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parisiens furent les premiers prêts. Dès le 3 août, trois bataillons de 600 hommes quittaient le camp de Grenelle, où ils avaient été formés. Ils emmenaient un jeune chirurgien de la marine qui venait de faire sur la Vigilante le voyage de Terre-Neuve, et avait réclamé l’honneur de partir pour l’armée du Rhin avec les enfans de Paris ; c’était Dominique Larrey, né dans les Pyrénées en 1766, élève à Toulouse de son oncle et à Paris du célèbre Desault. En allant s’embarquer à Brest avant vingt ans, il avait voulu visiter à Laval la petite maison où était né Ambroise Paré, dont il devait, à deux cents ans de distance, recommencer la noble vie.

Dès l’année 1792, après le décret du 11 juillet qui déclara la patrie en danger, le service des volontaires devint un service obligatoire, et tous les citoyens capables de porter les armes furent ; mis en réquisition. M. Camille Rousset, dans un livre dont les tristes événemens d’aujourd’hui ont augmenté l’à-propos, a raconté l’histoire de ces volontaires et de ces fédérés, courageux, indisciplinés, maraudeurs, foule en armes bientôt embarrassante. Heureusement cette foule fut reçue à l’armée par de vieux capitaines, comme Dumouriez, Kellermann, Biron, Custine, qui demandèrent dès le premier jour l’amalgame des nouveaux régimens avec les anciens, et la mesure fut autorisée par la convention le 11 juin 1793, grâce aux rapports énergiques de Carnot, Aubry et Dubois-Crancé. Ce que Kellermann et Carnot firent pour l’organisation des armées de la république, Larrey le fit pour l’adjonction à chacune des divisions de l’armée d’un service de santé régulier. C’est à lui principalement que l’on doit la répartition méthodique du corps et des cadres des officiers de santé, composé, par division, de 1 chirurgien-major, 1 aide-major, 4 sous-aides, 1 pharmacien-major, 2 sous-aides, 1 économe et des infirmiers, avec 12 voitures légères et 4 pesantes, classification qui se prête aisément à des décompositions secondaires, se double, se dédouble, et se combine précisément avec les unités de l’armée soit en garnison, soit en campagne. Une autre innovation, qui lui appartient plus encore, prouve les sentimens profondément humains qui l’inspiraient. Jusqu’à Larrey, les officiers de santé s’établissaient à une lieue de la bataille, et les blessés, ramassés longtemps après l’action, étaient exposés à mourir faute de soins immédiats. Il mit les chirurgiens et les infirmiers à cheval avec les instrumens dans leurs sacoches, les fit suivre de voitures légères destinées aux blessés, et lança ces ambulances volantes à l’avant-garde, avec ordre d’aller ramasser et panser les blessés sous le feu. Larrey fut mandé à Paris en 1793 pour organiser le service de santé des quatorze armées de la république. La France, alors si féconde en hommes d’action, eut au même