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moment Larrey à l’armée du Rhin, Desgenettes à l’armée d’Italie, et à l’armée du nord leur doyen, l’illustre Percy, qui avait en 1787 refusé le titre de chirurgien en chef de l’armée russe, pour rester simple chirurgien-major des divisions de Flandre et d’Artois, et qui venait de publier le Manuel du chirurgien d’armée (1792).

La carrière de Larrey dès lors fut prodigieuse d’activité. Il était en Catalogne en 1794, en Italie en 1795, et il partait en 1798 pour l’expédition d’Égypte, n’ayant interrompu son service à l’armée que pour enseigner au Val-de-Grâce dans les intervalles. Il était à la bataille d’Aboukir, où le général Bonaparte lui donnait un sabre d’honneur, au Caire guérissant avec Desgenettes et Bruant une épidémie opththalmique, en Syrie inventant les cacolets qui devaient être plus tard si utiles à nos blessés de l’armée d’Afrique, à Jaffa pendant la peste, couchant avec les pestiférés pour prouver aux soldats épouvantés que le fléau n’était pas contagieux, et il ramenait en 1801 vers les rives de France 1,300 blessés guéris ; puis il reprenait son enseignement, écrivait un mémoire sur l’expédition d’Égypte, et, pour se soumettre à la loi, il passait sa thèse devant ses élèves, avant de regagner l’armée, comme Ambroise Paré, déjà chirurgien du roi, s’était fait aussi recevoir maître par la faculté de Paris. Après la rupture de la paix d’Amiens, nous retrouvons Larrey au camp de Boulogne, à Austerlitz, à Wagram, à Iéna, à Berlin, puis à l’autre extrémité de l’Europe, en Espagne. Le typhus le ramène à Paris, et, à peine rétabli, il part pour Vienne, voit mourir le maréchal Lannes dans ses bras à Essling, et c’est encore Larrey qui est chargé d’organiser avec Desgenettes le service de santé de l’armée de Russie. Sa conduite à Smolensk, à la Moskova, à la Bérésina, fut d’un héros de courage et d’humanité. M. Thiers a retracé avec émotion la scène de la Bérésina, Larrey repassant la rivière pour chercher ses instrumens, et les soldats le portant sur leurs épaules pour sauver leur sauveur. Après cette carrière si bien remplie qui finit à Waterloo, son unique préoccupation fut de faire profiter la science des résultats de sa longue expérience et de former des élèves pour le service de l’armée, il donna les dernières années de sa vie à l’enseignement et à la pratique de son art, se partageant entre les hôpitaux, les Invalides, le conseil de santé et l’Institut, mais toujours prêt à tout quitter, comme à vingt ans, pour courir au danger. En 1835, il acceptait d’aller étudier le choléra dans les départemens du midi ; en 1842, à soixante-seize ans, il demandait à inspecter les hôpitaux de l’armée d’Afrique, et partait avec son fils pour Alger et Constantine. Peu de semaines après, Larrey, ramené malade en France, mourait à Lyon dans les bras de son fils, digne de lui succéder. Il avait servi