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en obtint la reconnaissance de son indépendance et des satisfactions, après quoi l’Espagne se retira du congrès pour continuer la guerre. Les premières agitations de la fronde contre Mazarin ne furent pas étrangères, dit-on, à cette résolution des Espagnols. Leur nouvelle défaite à Lens put leur donner des regrets, mais les plus grands furent à coup sûr pour Mazarin, qui perdit à Munster une belle occasion dont la France ne trouva plus la compensation, même par la paix des Pyrénées et le mariage de Louis XIV.

Heureusement la France eut d’autres succès diplomatiques qui firent oublier cet échec. Sa prépondérance se manifesta dans le règlement du différend germanique proprement dit et dans le règlement de la satisfaction suédoise ; elle rendit en ces deux points de nouveaux services à l’Allemagne. L’empereur eût voulu régler les affaires d’Allemagne par un grand acte seul de sa pleine puissance, par une nouvelle bulle d’or qu’il aurait librement octroyée. Ce n’était le compte ni de l’Allemagne ni de ses alliés. L’empereur, à l’ouverture du congrès, n’aurait pas voulu que les états d’empire y fussent représentés ; il ne voulait pas traiter avec eux d’égal à égal. Des concessions, il était décidé à en faire, mais il voulait les faire du haut de sa dignité impériale. La France et la Suède firent au contraire de la représentation des états une condition fondamentale, et les villes d’Alsace durent envoyer leurs députés à Osnabrück. L’empereur céda ; c’était beaucoup, ce n’était pas tout. Le principe moderne l’emportait, il en fallait admettre les conséquences. Il fut donc reconnu que le droit de souveraineté s’applique à la religion comme à la politique, et en présence du nonce médiateur la liberté religieuse des états dut être proclamée. L’Espagne s’y soumettait en reconnaissant l’indépendance des Provinces-Unies, qu’elle avait combattue pendant tant d’années. La consécration du principe avait une importance particulière en Allemagne, pays qu’on croyait appelé à être désormais un instrument d’équilibre en Europe. La France et la Suède voulurent avoir l’œil sur le règlement germanique. D’ailleurs la France et la Suède avaient là d’anciens et fidèles alliés auxquels il était dû des restitutions, des indemnités, pour trente ans de luttes et de souffrances ; il fallait que ce règlement fût digne, généreux, durable. Par tous ces motifs, l’intervention de la France et de la Suède au congrès particulier d’Osnabrück était exigée pour la défense de tous les intérêts. Loin de se plaindre de leur immixtion dans ses affaires intérieures, l’Allemagne y applaudit, parce qu’elle y trouvait une protection et une sûreté. En effet, les puissans alliés de l’union évangélique demandèrent et obtinrent d’abord une amnistie générale pour tout ce qui s’était passé pendant la guerre, et l’assurance à chaque sujet médiat ou immédiat de l’empire que les choses seraient rétablies telles qu’elles existaient