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LA RÉUNION DE L’ALSACE.

toire, la remise des trois évêchés de Metz, Toul et Verdun. Quoique continuée pendant cent ans, cette possession était encore entachée d’une certaine irrégularité. L’empereur consentait à ce qu’elle fût légitimée par une aliénation régulière du chef de l’empire avec le vote des états ; mais là devaient se borner les exigences de la France. Les espérances données en 1634 n’émanaient pas des propriétaires de l’Alsace et n’engageaient pas l’empire, qui ne pouvait consentir à un nouveau démembrement du territoire germanique ; mais après une première émotion, surprise par les vifs efforts de M. de Trautmannsdorf, l’opinion des états parut se déclarer en sens inverse de ses propositions. On ne voyait qu’une question d’intérêt personnel là où ce dernier plaçait une question d’intérêt national, et, consultés sur la question de savoir s’il était dû en principe une satisfaction à la France, les états répondirent affirmativement. Or personne n’ignorait ce que désirait la France. L’offre des trois évêchés était illusoire : cette affaire était considérée comme réglée depuis bien des années ; il n’était pas sérieux d’y revenir. D’ailleurs, en demandant l’Alsace, la France y ajoutait une offre qui ne permettait guère de réplique au point de vue allemand. — Mazarin, informé des manœuvres de Trautmannsdorf, avait envoyé au comte d’Avaux et à Servien la dépêche suivante (3 février 1640) : « Pour témoigner à toute l’Allemagne que nous ne sommes pas gens à démembrer l’empire à notre profit, comme peut-être ç’a été le but des impériaux de le faire croire, et enfin, pour rendre adroitement inutile leur offre des évêchés, nous pourrions offrir de notre côté dès cette heure de reconnaître aussi bien l’empire pour les trois évêchés que pour l’Alsace, pourvu que l’on demeure d’accord de nous la laisser, afin que nos rois soient reconnus pour princes de l’empire, et que leurs députés aient rang et voix délibérative dans les diètes. Je ne vois nul inconvénient en cela. »

Les états allemands n’avaient aucune répugnance à voir figurer le roi de France dans leurs assemblées, comme y figuraient le roi d’Espagne pour le comté de Bourgogne, le roi de Danemark pour le Holstein, le roi de Suède pour ses possessions germaniques. L’Autriche fit alors jouer un autre ressort. L’archiduc titulaire du landgraviat d’Alsace était un enfant en bas âge, innocent par conséquent de tout ce qu’on pouvait reprocher à l’empereur et à l’ambitieuse maison d’Autriche. La prétention de la France sur ce patrimoine pouvait donc paraître un désir de spoliation qui révoltait la nature et l’équité. M. de Trautmannsdorf fit beaucoup de bruit de cette objection, au moyen de laquelle il avait ému les médiateurs ; il avait même déclaré qu’il quitterait Munster plutôt que de consentir à une pareille iniquité. Une indiscrétion permit de déjouer cette nou-