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doute vers le même temps, à désigner les archontes, les membres du conseil ou sénat des cinq-cents, les jurés[1]. De cette manière, tous les Athéniens se trouvent mêlés au mouvement de la cité, initiés dans une certaine mesure aux affaires politiques, administratives et judiciaires. Éphialte et Périclès abaissent l’aréopage, qui représentait les traditions et les intérêts aristocratiques. Sous leur influence s’organisent ces grands tribunaux populaires que forment, divisés en dix sections, les six mille jurés que le sort fait sortir chaque année des rangs du peuple ; les procès des citoyens et bientôt en appel ceux des alliés viennent tous aboutir devant ces cours, assez nombreuses pour que l’éloquence puisse y produire ses plus grands effets. Les assemblées où tout le peuple athénien est convoqué sur le Pnyx entendent discuter tout ce qui intéresse la république, et aucune mesure de quelque importance ne peut être adoptée qu’après un débat contradictoire. Une indemnité à peu près équivalente à la valeur d’une journée de travail eut pour but de permettre à chaque citoyen, quelle que fût sa fortune, de siéger à l’assemblée et sur les bancs du dicastère ou jury.

En échange du sacrifice que s’imposait le trésor, Athènes obtint-elle que les citoyens sans fortune exerçassent régulièrement les droits qu’elle avait travaillé à leur garantir ? On n’en saurait douter : le résultat désiré fut atteint. Pendant plus d’un siècle, depuis les réformes d’Aristide, de Périclès et d’Éphialte jusqu’à la mort de Démosthène, la classe des artisans a dominé dans l’assemblée, non-seulement par le nombre, mais par son influence sur les décisions. A Athènes, les artisans formaient la majorité des citoyens réunis sur le Pnyx ; ils s’intéressaient aux affaires, ils les comprenaient, quoi qu’en disent les comiques dans leurs vives boutades et les philosophes dans leurs théories hostiles à la démocratie ; c’étaient eux enfin qui par leurs votes réglaient la marche de la politique et de l’administration, eux qui choisissaient les hommes à qui seraient confiées les destinées de la république. Les témoignages abondent, qui prouvent cette prépondérance des gens de métier à Athènes, dans l’assemblée. Je n’en citerai qu’un ; mais il est des plus clairs et des plus précis. Dans un de ces entretiens qu’a recueillis et rapportés Xénophon, Socrate, engageant Charmide, fils de Glaucon, à parler devant l’assemblée du peuple, lui dit : « Vous rougissez de parler devant la partie la plus faible, la moins éclairée de la nation ? Seriez-vous

  1. Nous avons essayé, dans notre Essai sur le droit public d’Athènes, chapitre Ier, § 8, d’expliquer comment le rôle actif réservé aux magistrats issus de l’élection, comme les stratèges ou généraux, et aux orateurs, les vrais ministres du peuple athénien, corrigeait, dans la pratique, les inconvéniens qu’aurait pu avoir le tirage au sort. Nous avons aussi montré comment les indignes se trouvaient écartés par la dockimaste, épreuve préalable qui précédait l’entrée en fonctions.