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garder les débouchés des Vosges, contenir ou repousser l’invasion venant directement de Strasbourg, et par l’avancée de Langres, menacer la marche des Prussiens sur Paris. Malheureusement rien n’avait été prévu, rien n’était préparé, et le jour où l’ennemi, d’un foudroyant effort, enfonçait violemment la frontière sur la Lauter et sur la Sarre par les deux batailles de Wœrth et de Spicheren, on se trouvait subitement désarmé et désorganisé. D’un seul coup, toutes les routes s’ouvraient devant les Allemands jusqu’à Nancy, jusqu’en Champagne ; toutes les positions étaient en péril vers l’est aussi bien que sur la Moselle, sur la Meuse. Les remparts réputés inexpugnables tombaient ou étaient tournés, et pour la première fois peut-être les Vosges, l’Argonne, allaient être inutiles à la défense française !

La seule force laissée momentanément dans ces régions de l’est aux débuts de la guerre était le 7e corps de l’armée du Rhin, qui avait été formé autour de Belfort sous le général Félix Douay, dont on détachait une division pour l’envoyer précipitamment au maréchal de Mac-Mahon la veille de Reischofen, et qui était bientôt appelé au camp de Châlons pour aller se perdre avec le reste dans le gouffre de Sedan. Ce corps une fois parti, il ne restait plus dans l’est une escouade de l’armée régulière. Les places fortes elles-mêmes n’étaient pas dans un état rassurant de défense. Les travaux de Belfort, commencés depuis plusieurs années, n’étaient point achevés ; Besançon n’avait ni garnison ni approvisionnemens. Tout ce qu’on avait pour protéger le pays ou pour occuper les places fortes se réduisait à des mobiles rassemblés avec zèle dans quelques départemens, avec tiédeur dans quelques autres, et à un certain nombre de bandes de francs-tireurs qui commençaient à se lever pour se jeter dans les Vosges, — dont les autorités impériales d’ailleurs n’encourageaient pas toujours la formation. La panique était grande parmi ces populations, qui croyaient à chaque instant voir arriver les Prussiens, qui se sentaient menacées et qui l’étaient en effet, parce qu’elles se trouvaient abandonnées. On en était là jusqu’à Sedan, jusqu’au 4 septembre.

Ce que l’empire n’avait pas fait, le gouvernement de la défense nationale aurait pu et aurait dû le faire sans doute. C’était le moment ou jamais de rassembler au plus vite des élémens de résistance dans cette contrée encore intacte de l’est, de se préparer à disputer les passages de cette partie des Vosges, en se tenant sur le flanc du grand mouvement d’invasion qui débordait comme un torrent vers le centre. La vérité est qu’on se sentait ahuri et déconcerté par la précipitation des événemens dans cette première période de la défense nationale, dans ce cruel mois de septembre qui voyait