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elle, cette armée ? de quoi se composait-elle ? M. de Freycinet, par je ne sais quel mirage, l’élève au chiffre de 55,000 hommes. L’exagération est étrange, et de plus ces soldats étaient des mobiles sans instruction, sans cohésion, sans discipline, mal armés, à peine équipés, avec lesquels on ne pouvait tenir la campagne ; mais enfin c’était une apparence de force militaire. À l’appui de cette armée, les volontaires se multipliaient, et commençaient à remplir les Vosges. De toutes parts, des corps francs s’organisaient sous l’impulsion de quelques hommes résolus. Un des principaux de ces corps de partisans était la création d’un député alsacien, M. Keller, qui avait su réunir nombre de ses compatriotes pour la défense de leur foyer commun et de la France. Le capitaine Bourras de son côté allait être un vrai chef de compagnies franches dans cette guerre de l’est. C’est avec cela qu’on pouvait être exposé d’un instant à l’autre à se trouver en face d’un ennemi qui venait d’attester d’une façon cruelle pour nous la supériorité de son organisation et sa méthodique solidité. Tant que les Allemands étaient retenus devant Strasbourg, les progrès de l’invasion restaient nécessairement suspendus de ce côté, il n’y avait point encore à craindre un choc trop inégal ou trop violent. La chute de la capitale de l’Alsace le 28 septembre rendait la liberté aux forces ennemies, et ces forces agglomérées à Strasbourg ou dans cette région du Rhin ne laissaient pas d’avoir quelque importance. Elles se composaient de la division badoise, d’une division de la landwehr de la garde prussienne, de la 1re division de réserve sous le général de Treskow, plus une 4e division de réserve appelée du nord de l’Allemagne sous le général de Schmeling. Le chef principal de ces forces était le général de Werder, le commandant du siège, l’ordonnateur du bombardement de la malheureuse cité alsacienne que M. de Bismarck dans l’orgueil de la victoire appelait « la clé de sa maison. »

Ainsi, au moment où la chute de Strasbourg allait donner le signal d’opérations nouvelles, aux derniers jours de septembre et au commencement d’octobre, les Allemands avaient quatre divisions libres. La landwehr de la garde était destinée à se rendre sous Paris ; la 1re division de réserve restait en partie à Strasbourg ; la division de Schmeling, un instant arrêtée à Fribourg, dans le grand-duché de Bade, devait passer le Rhin vers Neuembourg et faire tomber les places de Schelestadt, de Neuf-Brisach, en menaçant Mulhouse et la ligne de Belfort. Le général de Werder, avec la division badoise, une brigade d’infanterie combinée et une brigade de cavalerie formant désormais le premier noyau du xive corps, avait pour mission, quant à lui, de pénétrer dans les Vosges pour