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vous en donner tous les ans ; ils sont meilleurs à Paris qu’à Balleroy. Les troupes qui se rendent au camp de Saint-Denis défilent par-dessus le rempart, et font voir aux Parisiens qu’on ne les craint guère. »

Les amis, les gens du monde qui, cédant à des instances réitérées, promettent d’écrire, ont le double tort d’être irréguliers et mal renseignés ; ils ne se mettent pas en dépense, ils s’acquittent à la hâte d’un devoir qui leur pèse, et qu’ils fuient au plus vite. L’abbé de Guitaud, en novembre 1715, avait pris des engagemens formels : plus fécond qu’un Mercure galant, il devait envoyer par mois deux longues lettres ; mais dès le 1er février 1716 il s’excuse ; « il barguigne, » et finalement retire sa promesse en prétextant une absence. « J’ai mal tenu ma parole, j’en fais beaucoup d’excuses. J’ai été fort solitaire depuis un certain temps. Loin de faire mieux désormais, je vais rentrer avec vous dans un profond silence, étant près de m’en retourner en Bourgogne. Si les nouvelles de l’Auxois vous tentent, je suis prêt à vous rendre à cet égard le même service. » — C’était une perte, car il avait des vivacités originales qui auraient fait de lui un correspondant fort gai. Annonçant une maladie grave d’une certaine duchesse, il disait, avec l’aisance du railleur de profession : « La duchesse a pensé mourir d’une inflammation ou plutôt de diverses inflammations qu’elle avait dans le corps. » L’abbé de Choisy, qui avait aussi donné son billet d’être un bon correspondant, y faisait honneur en prenant pour suppléant son valet de chambre, et, quand le marquis de La Cour venait à Paris, une de ses instructions lui recommandait de subventionner largement ces gazetiers subalternes. « J’ai diné hier avec M. l’abbé de Choisy, qui m’assura que son valet de chambre était fort exact à votre égard. J’ai fait ce qu’il fallait pour cela, mais il n’écrit qu’une fois la semaine, et j’avoue que c’est bien peu. » Les gazettes rédigées par des valets de chambre sont fort nombreuses dans ce recueil ; la forme en est sèche, comme celle des nouvelles à la main, c’est un détail de menus faits sans ordre et sans commentaire : « M. le cardinal Dubois se fait peindre actuellement par le sieur Rigaud ; » — « le roi a accordé une pension de 6,000 livres à Mme Du Deffand ; » — « on va représenter sur le Théâtre-Français Esther de M. Racine ; » — « on fait de nouvelles façons de culottes qui sont sans poches ni goussets, et s’appellent des culottes à la régence : tout le monde en porte, si ce n’est les Gascons ; » — « les mémoires du cardinal de Retz font ici beaucoup d’effet, ils agitent les faibles et augmentent l’inquiétude des inquiets. » La variété seule de ces informations y répand quelque agrément ; rien n’y est oublié, ni « les brelans effrénés où il se fait des pertes horribles, » ni la vogue du biribi, « qui ne s’est pas encore encanaillé dans les provinces, »