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5 pour le dessin géométrique. Si l’œuvre a si bien réussi, c’est que l’argent n’y a pas manqué, il est le nerf de toute chose. En moins de sept ans, les crédits de l’enseignement du dessin se sont élevés au budget municipal de 30,000 francs à près de 350,000 francs. Les classes spéciales ont été aménagées, des examens établis, des concours institués, des récompenses accordées tant aux maîtres qu’aux élèves. Enfin il a été créé un portefeuille contenant un choix de 1,500 dessins ou modèles empruntés aux chefs-d’œuvre de l’art.

Le nombre des cliens a répondu à cet effort. En 1862, l’enseignement du dessin dans les classes du soir ne comptait que 1,200 élèves ; il en comptait en 1869 près de 4,000, et au 1er décembre 1871, malgré la difficulté des temps, l’effectif des classes, en y comprenant les cours subventionnés, montait à 3,700 inscrits, donnant en moyenne plus de 2,000 présens. Tous les métiers s’y rencontrent : bijoutiers, ciseleurs, graveurs, monteurs sur bronze, sculpteurs sur bois, serruriers, mécaniciens, mouleurs, menuisiers, ébénistes, tapissiers, relieurs, tailleurs de pierre. Les industries qui dominent sont celles des mécaniciens et des ébénistes ; ce que l’on nomme la fabrique de Paris y a des groupes de choix. Il est évident, et les chiffres le prouvent, que l’élite seule est assidue ; c’est par l’élite, plus que par le nombre, qu’un art et une industrie se soutiennent et mettent au défi les rivalités.

Toutefois ces écoles de dessin, si brillantes qu’elles soient, ne tiennent qu’une place limitée dans l’activité du pays ; l’apprentissage a d’autres besoins à desservir. On a vu que l’initiative privée et l’action municipale ne peuvent plus faire face aux besoins. Une partie de ces institutions a fait son temps, l’autre ne suffit plus à la tâche : il est temps d’y suppléer.

III.

Ici plus que jamais, la parole appartient à M. Gréard. Pour raffermir ce qui est encore debout, pour remplacer ce qui s’en va, il estime qu’il n’y a qu’un moyen vraiment efficace : c’est la création d’une école d’apprentis, non pas que l’entreprise lui paraisse facile et qu’il l’aborde sans émotion ; mais, si ardue qu’elle soit, il la croit praticable, et, menée avec vigueur, féconde en bons résultats.

Les objections ne manquent pas, et il s’en est sérieusement rendu compte. L’éducation du métier n’est, dit-on, possible que par l’exercice du métier ; pour apprendre, il faut voir, toucher, manier. L’enseignement de l’école, toujours fictif inévitablement par quelque endroit, ne peut en aucune façon remplacer la vie de l’atelier, où par la force des choses tout est matière à instruction. On objecte en outre que plus d’un métier ne se prête réellement à aucune