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assurément un doute. Je me souviens que quelques jours avant le 1er septembre 1870, dans ces momens d’universelle anxiété, je me trouvais avec un des hommes qui avaient servi l’empire avec le plus d’éclat. Je lui disais, ce qui était bien facile à voir, que la situation devenait terriblement simple, qu’il n’y avait plus à s’y méprendre, qu’au premier bruit d’un nouveau revers courant dans Paris la révolution était faite, un gouvernement provisoire surgirait instantanément à l’Hôtel de Ville. Cet éminent personnage n’en doutait pas lui-même, il n’avait plus aucune illusion ; il avouait qu’une seule chose pouvait peut-être encore sauver l’empire si ce n’est l’empereur : c’était une grande action personnelle, au besoin une mort héroïque de ce souverain qui se traînait à la suite ou à la tête de l’armée, ne sachant plus ce qu’il était, empereur ou soldat. Peu de jours après, la grande action était Sedan ! Lorsque deux années ont passé remplies d’événemens inouïs, lorsque les impressions ont chassé les impressions, laissant les esprits fatigués et abattus devant une telle suite d’infortunes, on peut essayer d’oublier ou de transfigurer cette première catastrophe, mère de toutes les autres catastrophes. Rien n’est plus facile que de faire aujourd’hui de la révolution du 4 septembre un obscur complot s’emparant furtivement du pays en face de l’ennemi, ou d’attribuer la chute de l’empire à l’infidélité du général placé au poste de gouverneur de Paris. C’est le général Trochu qui a tout fait : que le général Trochu soit convaincu de trahison, le 4 septembre n’est plus qu’un crime vulgaire et l’empire est réhabilité ! Que pouvait donc le général Trochu, si ce n’est se souvenir que le pays survivait à un gouvernement frappé à mort, et que l’ennemi s’avançait sur Paris ?

Puisqu’il était si facile de défendre, de maintenir l’empire le 4 septembre, que ne le défendait-on ? Où étaient ces ministres qui parlent si haut maintenant devant une cour de justice, qui trouvent si commode de rendre témoignage contre celui qu’ils assaillaient de méfiances au moment du danger ? Pourquoi ne songeait-on pas à se servir de ces quelques soldats rassemblés autour du corps législatif et dont le gouverneur de Paris ne disposait pas ? Où est la tentative ou même la pensée apparente d’une résistance à la fatalité qui s’abattait sur tous ? Puisque l’empire était encore si vivace, comment se fait-il que le ministre de la guerre, le président du conseil d’alors, le général de Palikao, en vint à proposer de créer un comité souverain de défense, un gouvernement où il n’était plus question ni de l’empereur captif ni de l’empereur mineur, ni de la régente, ni de l’empire sous aucune forme ? C’était le moment de se redresser dans le malheur, de se montrer à la hauteur du péril ! On oublie tout aujourd’hui. J’aime mieux M. Mettetal déclarant sincèrement que même