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devinrent assez violens dans la journée du 15 pour déterminer les habitans des villages de la zone ébranlée à abandonner leurs demeures. A part deux courtes périodes de repos, l’une dans la soirée du 19, l’autre dans celle du 21, l’intensité et la fréquence des secousses ne font qu’augmenter jusqu’au 24. Enfin ce jour-là une explosion formidable a lieu, et un cratère s’ouvre sur l’arête comprise entre les villages de Capello et de Praia de Norte. En un moment, le ciel est obscurci par un nuage de cendres. Dans les parties les plus reculées de l’île, le soleil, qui brillait quelques instans auparavant de tout son éclat, se trouve voilé d’une nuée fuligineuse. Au loin, l’atmosphère est infectée par l’odeur fétide de l’hydrogène sulfuré. En même temps jaillit un fleuve de lave en fusion qui descend vers le nord, couvrant une largeur d’environ 300 mètres. La terreur atteignit alors son plus haut degré ; les habitans des villages voisins de la nouvelle bouche volcanique s’empressèrent de se sauver à l’extrémité opposée de Fayal, quelques-uns même se réfugièrent dans les autres îles de l’archipel. Comme il arrive presque toujours en pareil cas, aussitôt l’éruption déclarée les tremblemens de terre perdirent leur violence. Pendant les deux jours qui suivirent l’explosion du début, le calme aurait même semblé presque rétabli, si l’on n’eût encore senti de temps en temps quelques légères commotions du sol. Toutefois le 27 avril les secousses redeviennent plus fortes, les explosions prennent une nouvelle vivacité, et l’écoulement des laves se fait avec un redoublement d’abondance. Trois coulées descendent simultanément vers la mer : deux du côté nord de l’île, la troisième sur le versant sud. Une pluie de cendres rougeâtres intercepte la lumière du jour et flétrit les plantes. Le 28, on distingue neuf bouches qui rejettent des fumées, des cendres et des scories embrasées. La principale coulée atteint le rivage du côté nord, se précipite en cascade du haut d’une falaise, et constitue au pied du rocher un récif peu élevé au-dessus des flots. Le 30, les laves s’ouvrent un nouvel orifice, et l’unique source que l’île possédait dans cette région se tarit. Enfin les bruits souterrains et les secousses du sol s’affaiblissent, et le 1er mai les explosions et les tremblemens de terre cessent complètement. Seules, les pluies de cendres persistent pendant quelque temps encore, et achèvent de détruire la végétation des champs et des pâturages aux environs du volcan.

Il est à remarquer que les tremblemens de terre de cette éruption causèrent à peine quelques dommages dans la partie orientale de l’île, tandis qu’ils ruinèrent de fond en comble les villages de la région occidentale. Cette différence si nettement tranchée dans l’effet des secousses tient presque certainement à la constitution de