Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/492

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les démarches commencées par le représentant de la France, M. Léon Roches, furent énergiquement continuées en 1868 et en 1869 par M. Outrey, son successeur. Le gouvernement du mikado fit d’abord des promesses, et parut se montrer favorable aux idées de tolérance et d’humanité qu’on s’efforçait de lui suggérer. Il écrivait au représentant de la France, dans les premiers jours de 1869, que l’on ne maintiendrait pas contre les chrétiens des lois cruelles et qu’on aurait recours à des mesures plus humaines. Lorsque de telles déclarations étaient corroborées par ce fait qu’un certain nombre de chrétiens emprisonnés dans les îles Goto se voyaient mis en liberté, lorsqu’il était constant que, depuis le mois de septembre 1868, aucune nouvelle poursuite n’avait été exercée contre les habitans d’Ourakami, n’était-on pas autorisé à croire que le gouvernement japonais désirait sincèrement donner satisfaction à l’Europe et aux États-Unis en entrant désormais dans une voie plus conforme aux principes de la civilisation moderne ? En effet la question resta relativement calme jusqu’au mois de septembre 1869. À cette époque, le ministre d’Angleterre envoya dans les îles Goto un bâtiment de guerre, qui se contenta d’y faire une simple apparition. Il arriva que cette démarche fut suivie presque instantanément de l’arrestation d’une centaine de chrétiens.

C’était le premier signe apparent d’une nouvelle attitude de la part du gouvernement japonais. Le 1er janvier 1870, les ministres du mikado, répondant à une note des représentans étrangers, n’hésitaient pas à reconnaître que, plusieurs milliers d’individus ayant embrassé la religion chrétienne dans les îles Goto, les uns avaient renoncé à cette croyance après les observations qui leur avaient été faites, d’autres étaient incarcérés, d’autres enfin s’étaient échappés de prison. Cette communication ne précéda que de quelques jours une autre plus grave encore dans laquelle on ne gardait plus guère de ménagemens. On se bornait à prévenir purement et simplement les agens étrangers que le décret de juin 1868 contre la religion chrétienne, décret dont l’application avait été suspendue « à cause de l’état de trouble du pays, » allait être exécuté dans toute sa rigueur, et qu’en conséquence les chrétiens d’Ourakami seraient répartis entre certains daïmios pour être employés par eux à des travaux publics.

Tous les représentans des puissances protestèrent spontanément et isolément contre cette décision. Chacun d’eux se réservait d’ailleurs d’agir en commun avec ses collègues au moment où ils se trouveraient tous réunis à Yokohama. Le ministre d’Angleterre, sir Henry Parker, qui était alors, « depuis quelque temps déjà, dans le sud du Japon, et qui venait précisément de visiter les îles Goto, se trouvait dans les environs de Nagasaki quand les ordres du