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Nouvelle Gazette évangélique de Berlin, à propos de la conquête de l’Alsace, que la fidélité de cette province bien-aimée à la France était un titre de plus pour en réclamer la restitution, parce que la fidélité est une qualité allemande. Le bombardement de Paris a paru admirable par la raison que la grande cité est une Babylone. Aujourd’hui la même presse bat des mains à tout ce qu’entreprend le gouvernement impérial contre le catholicisme. Elle s’est bien aperçue que les lois nouvelles pourraient, se retourner contre l’église évangélique aussi fait-elle quelques réserves à cet égard. La Nouvelle Gazette évangélique du 1er février contient un passage caractéristique. « Ces lois renferment quelques points dangereux pour nous ; mais quoi ? Une médecine pour une maladie grave doit être nécessairement amère. On sait bien que c’est l’ultramontanisme que visent les lois nouvelles, que ce n’est que pour maintenir une parité légale que l’église évangélique n’est pas exceptée de l’application de ces lois ; ayons confiance pour ce qui nous concerne. Sans doute il eut mieux valu ne s’occuper que de l’église catholique, puisque le danger pour l’état ne vient que du pape et des évêques : c’est eux seuls qu’il eût fallu punir en laissant l’église évangélique à ses anciennes coutumes ; n’importe, puisque notre gouvernement n’a pas assez de courage pour ne s’occuper que du catholicisme, acceptons les quelques restrictions qui nous sont imposées. » Le pieux journal reconnaît que par la législation nouvelle l’état va sortir de sa compétence ; cela lui est bien indifférent : le grand but, qui est de briser le catholicisme, sera atteint. L’église romaine a perdu la vie véritable depuis la proclamation de l’infaillibilité ; il est bon que l’état l’aide à mourir tout à fait. Le chœur entier des journaux évangéliques chante alléluia ; dans son lyrisme, il parle latin ; à la fameuse devise : Rrna locuta est, res est audita, il répond par celle-ci, qui ne vaut pas mieux : Germania locuta est ; l’Allemagne a parlé, tout est dit ; qu’on n’invoque plus le droit et la liberté.

La libre pensée n’est pas moins encourageante que l’orthodoxie pour le gouvernement prussien. La vieille et la nouvelle foi[1] est comme le testament de l’auteur de la Vie de Jésus. De son style net et froid comme une lame d’acier, il formule ses pensées définitives ; ramassant en quelque sorte tous les résultats de sa critique, les formant en une colonne d’assaut, il les lance contre le christianisme comme pour un choc dernier et décisif. Aucun argument ne manque à l’appel. La conclusion du livre est que la science contemporaine a condamné non-seulement la religion de Jésus, mais encore la religion en soi. M. Strauss flagelle avec une impatience railleuse les essais

  1. Voyez sur le nouveau livre de M. Strauss l’étude de M. Réville dans la Revue du 15 mars.