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allumeront leurs mèches, recevront la taxe, retourneront leur sablier, et se mettront en marche. C’était encore là de l’empirisme ; ces lumières ambulantes ne donnaient guère de sécurité à la ville, et les porteurs assommèrent plus d’une fois les personnes qu’ils accompagnaient. On les employait néanmoins faute de mieux, et on les employa fort longtemps, car nous les retrouverons au commencement du XIXe siècle.

Le véritable promoteur de l’éclairage public à Paris fut le fondateur même de notre police urbaine, Nicolas de La Reynie. Lorsque le 15 mars 1667 il fut nommé lieutenant-général de police, Louis XIV, qui savait à quoi s’en tenir sur l’état moral et physique de sa bonne ville, lui donna trois substantifs pour mot d’ordre : netteté, clarté, sûreté. Il y avait fort à faire pour remplir un tel programme dans une ville qu’on ne balayait jamais, qu’on n’éclairait pas, et que les voleurs infestaient. La Reynie y réussit pourtant dans une certaine mesure ; il prescrivit l’enlèvement des boues, il organisa des gardes de nuit, et créa un service d’éclairage régulier. Il s’était hâté de se mettre à l’œuvre, car l’édit qui prescrit rétablissement des lanternes est du mois de septembre 1667. C’étaient des chandelles enfermées dans une cage de verre suspendue par des cordes à la hauteur du premier étage des maisons. L’éclairage n’était que temporaire, car on estimait qu’il n’y avait pas d’inconvénient à laisser Paris dans l’obscurité pendant les courtes nuits d’été. Ce ne fut point l’avis des bons bourgeois, qui en cette circonstance se montrèrent plus perspicaces et plus généreux que la lieutenance de police, que la prévôté des marchands et que le parlement lui-même. Si faible que fût la lueur des chandelles, qui champignonnaient en brûlant au milieu des rues, elle avait suffi, le guet et la maréchaussée aidant, à diminuer le nombre des attaques nocturnes ; c’était une amélioration que les Parisiens avaient su apprécier avec gratitude. Les rues étaient à peu près sûres pendant l’hiver ; mais, dès que le printemps arrivait, les coupeurs de bourses se remettaient en route, et chaque nuit on entendait crier à l’aide ! En effet, les lanternes n’étaient allumées que pendant quatre mois, du 1er novembre au 1er mars ; c’était une économie fort mal imaginée. Les bourgeois firent requête sur requête pour obtenir que la ville fût éclairée toute l’année. On réunit en assemblée les notables des seize quartiers, qui formaient alors les divisions municipales, et on les consulta. Au moment d’émettre un avis qui pouvait entraîner une dépense annuelle assez importante, ils hésitèrent et furent moins affirmatifs que dans leurs pétitions. Dix quartiers opinèrent pour que l’éclairage durât du 1er octobre au 1er avril ; six déclarèrent qu’il serait suffisant entre le 15 octobre et