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mais on relit de Proudhon ce qu’on en relira toujours, les pages vraiment admirables qu’il a écrites dans ses jours de sincérité.



LES ASSOCIATIONS EN GRÈCE.
Foucart, De Collegiis scenicorum artificum apud Grœcos. — Des Associations religieuses chez les Grecs, Paris, 1875.


On n’a jamais mieux compris que de nos jours combien il était utile de connaître les associations qui couvraient l’ancien monde et les lumières qu’elles jettent sur les sociétés et les religions antiques. Les progrès de l’épigraphie ont rendu cette étude plus aisée, car la plupart de ces associations n’ont guère laissé de traces dans l’histoire, et les inscriptions nous en conservent seules le souvenir. On a déjà essayé ici même de donner quelques renseignemens sur celles de Rome et de l’Occident romain[1]. Il y en avait aussi en Grèce et dans l’Asie, qui n’avaient pas moins d’importance. En attendant qu’on puisse les embrasser toutes dans un travail d’ensemble qui serait plein de profit pour l’histoire, un de nos meilleurs archéologues, M. Foucart, vient d’en isoler deux groupes distincts et de les étudier à part. Sans le suivre dans tout le détail de ses savantes recherches, il est bon d’en faire connaître les principaux résultats.

Son premier travail concerne les associations de comédiens. On sait que chez les Grecs les représentations scéniques étaient non pas, comme aujourd’hui, un simple divertissement, mais une solennité nationale et religieuse. On croyait que les dieux seraient irrités contre une ville qui se permettrait de les négliger. Pour suffire aux fêtes qui se célébraient partout tous les ans, il s’était formé des sociétés qui contenaient des artistes de tout genre. Ces artistes, qui venaient de tous les pays de la Grèce, avaient besoin de se réunir pour être plus forts. Dans ces villes, où les amenait la pratique de leur art, ils se seraient trouvés étrangers et isolés : l’association leur faisait une sorte de patrie, elle les garantissait des injustices auxquelles un homme seul est toujours exposé, elle leur procurait des amitiés et presque une famille toute faite, elle leur donnait surtout le moyen d’exploiter leur art avec plus de sécurité et d’avantage. Ces sociétés se distinguent par un caractère tout à fait religieux. Elles portent quelquefois le nom de « sacré synode des artistes de Bacchus. » Leur premier magistrat est un prêtre ; elles se réunissent dans des temples et possèdent même une chapelle dans le sanctuaire vénéré d’Eleusis. Aussi ont-elles le sentiment de leur importance. Elles parlent

  1. Voyez l’étude sur les Associations ouvrières et charitables à Rome dans la Revue du 1er décembre 1871.