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DEUX CHANCELIERS
V.
ORIENT ET OCCIDENT[1]


I.

« On s’est pourvu ailleurs, » écrivait avec tristesse dans les derniers jours du mois d’août 1866 l’ambassadeur de France près le roi Guillaume Ier en voyant la Prusse rompre si brusquement les négociations dilatoires au sujet de la Belgique, et il est juste de reconnaître qu’il n’a plus cessé depuis d’apprécier sainement la situation et de tenir son gouvernement constamment en éveil au sujet de l’accord intime et absolu intervenu entre les deux cours de Berlin et de Saint-Pétersbourg à la suite de la mission du général Manteuffel. S’il s’obstina néanmoins pendant quelque temps encore à chercher une compensation pour son pays, — compensation bien modeste, il est vrai, et conforme à la nouvelle fortune de la France, — si dans les premiers mois de l’année 1867 notamment il se flatta d’obtenir de la bienveillance de M. de Bismarck la permission d’acheter le Luxembourg au roi de Hollande, s’il alla même un jour, lors d’une rapide excursion à Paris, jusqu’à affirmer dans des conversations intimes qu’il avait déjà la forteresse d’Alzette « dans sa poche, » ce n’est pas qu’il crût pour cela possible de revenir au beau rêve du quartier-général de Brünn et de réaliser cette « alliance nécessaire et féconde avec la Prusse » dont s’étaient leurrés à un certain moment quelques tempéramens sanguins sur les bords de la Seine. Il était seulement persuadé que le vainqueur

  1. Voyez la Revue du 15 juin et du 1er juillet, du 15 août et du 15 septembre.