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a les hanches étroites, la gorge peu abondante, comprimée sans cesse par l’égide, les épaules hautes, les bras nerveux ? Si le tableau avait été conçu ainsi, on se fût dit au premier coup d’œil : Celle-ci est Vénus, celle-là est Minerve. Au lieu de cela, on cherche Vénus, on cherche Minerve, et, ne fussent le casque de l’une et la Victoire qui couronne l’autre, on ne les découvrirait pas.

Tout n’est peut-être pas symbolique dans les légendes païennes. La légende de Marsyas, qui, vaincu après avoir osé défier Apollon dans une lutte d’harmonie, fut écorché vif d’après les ordres du dieu, — Apollon a parfois de ces férocités : qu’on se rappelle le massacre des Niobites, la peste décimant les Grecs devant Troie, — n’avait pas encore eu d’explication. M. Baudry, qui se fait ici disciple de Voss, pense que c’est le symbole du triomphe de l’art idéaliste sur l’art réaliste. Les Grecs, qui ignoraient le réalisme et l’idéalisme, pour employer ces vocables barbares, ne pensaient guère à cela ; mais l’interprétation est ingénieuse et mérite de rester. L’audacieux satyre est attaché au pin qui doit servir de poteau de supplice. Les morceaux de sa flûte brisée sont épars dans l’herbe. Des Scythes, qui se font bourreaux après avoir été juges, aiguisent leurs couteaux. L’un d’eux commence déjà à pratiquer des incisions sur la chair frémissante du patient. Apollon, encore tout courroucé, préside au supplice. Cette toile, qui paraissait à l’École des Beaux-Arts avoir des tons un peu heurtés, a infiniment gagné en place. Ces heurts de couleur font de vigoureux contrastes qui ressortent à merveille dans l’immense cadre d’or du foyer.

Dans cette vaste décoration, qui est comme l’encyclopédie figurée de la musique, le peintre ne devait pas se montrer exclusif. Il avait à prendre des types et des scènes aussi bien dans l’histoire sacrée que dans l’histoire profane. À l’Iliade, à la Théogonie, aux Métamorphoses, il fallait joindre la Bible, les Évangiles, la Vie des Saints. La musique, sinon l’opéra, joue un grand rôle dans l’iconologie judéo-chrétienne avec ses chants et ses cantiques, ses orgues et ses théorbes. Depuis le divin peintre de Fiesole, ne représente-t-on pas le paradis peuplé d’angelots et de séraphins, de trônes et de dominations pinçant de la harpe et raclant de la viole ? « Toutes les fois que l’esprit malin envoyé du Seigneur se saisissait de Saül, David prenait sa harpe et la touchait de sa main, et Saül en était soulagé et se trouvait mieux, car l’esprit malin se retirait de lui. » C’est ce verset du Livre des Rois que M. Baudry a dramatisé. Le panneau est comme coupé en deux parties. D’un côté la tente du roi s’ouvre sur le camp, dont on aperçoit au loin les sentinelles. Saül est prêt à se lever de son lit de repos, vaincu et attiré par les sons de la harpe. Jonathas et Michol essaient de le retenir tandis