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IV


La décoration de la coupole de la salle a été confiée à M. Lenepveu, aujourd’hui directeur de l’école de Rome. À cause de la forme de cette coupole, qui s’étend en tournant entre les médaillons de l’entablement et les plaques de métal découpées en rayons où s’attache le lustre, le peintre ne pouvait pas faire une composition symétrique, avec point central, comme dans toute sorte de plafonds. Il devait peindre une frise assez étroite, peuplée de figures détachées. La difficulté même de cette composition, où il était impossible qu’il y eût un groupe principal, a inspiré à M. Lenepveu un sujet original. Au lieu de peindre quelque Parnasse avec Apollon et son luth, ou quelque Olympe avec Jupiter et son aigle, il a représenté les heures du jour et de la nuit dans leur acception métaphorique. Ce ne sont point les Heures classiques des mythes grecs, qui président à la succession des temps et qui mesurent l’éternité, ce sont les Heures créées par l’imagination moderne, qui inspirent et qui accompagnent l’homme dans ses labeurs, dans ses plaisirs et dans ses pensées. L’heure du travail est personnifiée par une femme assise sur un nuage et tenant un compas dans sa main. Une belle fille nue, couchée au milieu d’Amours qui lui présentent des fleurs et un miroir, figure l’heure de la toilette et de la coquetterie. Un joli groupe renversé, qui agite des marottes à grelots, marque l’heure de la folie. La Renommée, planant dans le ciel avec sa trompette et sa couronne de laurier, doit être identifiée avec l’heure de la gloire. Un enfant sonnant du cor annonce l’heure de la chasse ; l’Abondance, répandant les joyaux de sa corne, symbolise l’heure de la richesse. Voici une bacchante échevelée qui boit dans une coupe d’or, c’est l’heure de l’ivresse. Voici une nymphe qu’Éros appelle, c’est l’heure de l’amour. Voici une femme qui, les bras joints au-dessus de la tête dans une charmante attitude, s’enlève diaphane et translucide sur une nuée vaporeuse, c’est l’heure des visions du sommeil. M. Lenepveu aurait pu éviter l’heure du crime : un blême jeune homme drapé de rouge qui serre fiévreusement dans sa main le manche d’un poignard ensanglanté. Ces diverses figures sont baignées de lumière, plongées dans l’ombre ou voilées par la demi-teinte, selon qu’elles occupent telle ou telle partie de la coupole, car le peintre a scindé sa composition en quatre effets lumineux habilement dégradés. Ici brille le jour, là s’étend la nuit, à gauche naît l’aurore, à droite meurt le crépuscule. Tout ceci est traité dans le style habile et pompeux de l’école de Bologne. Les figures plafonnent bien dans les lignes fuyantes et les profondeurs de la per-