Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

durant sa vie fait plus de bruit que tous les rois et défié la puissance espagnole. On put croire un moment que son œuvre finirait avec lui, son fils Maurice n’avait encore que dix-sept ans. Il parut que rien ne pourrait résister au duc de Parme, qui d’abord emporta Bruges, Gand, Nimègue, Anvers et quantité d’autres places. L’alliance d’Elisabeth d’Angleterre était presque aussi dangereuse que son amitié. Hohenlohe, qui avait épousé la fille que Guillaume le Taciturne avait eue de sa première femme, Anne d’Egmont, soutint les premiers chocs en attendant que Maurice d’Orange fût en état de venger son père et de faire violence à la fortune. Louise de Coligny était attachée désormais aux Pays-Bas par des liens indissolubles, par le souvenir du Taciturne, par son enfant, par la mémoire de son père et de son premier époux, car la cause réformée ne pouvait triompher en France, si elle était perdue en Hollande. Rien pourtant ne pouvait vaincre sa tendresse pour son pays natal, et il est naturel que, parmi les enfans nombreux de son second mari, son cœur se soit attaché de préférence à ceux qu’il avait eus d’une autre femme française, de « la féconde abbesse, » de Charlotte de Bourbon.

On a des lettres écrites, peu après l’assassinat de Guillaume, par sa veuve à Jean de Nassau, un frère du Taciturne, qui avait quitté les Pays-Bas pour vivre dans les terres allemandes de la maison de Nassau[1]. La malheureuse femme demande appui à son beau-frère. Les états-généraux, dans leur terreur, avaient élevé Maurice de Nassau à toutes les dignités de son père ; mais ils se montraient plus que parcimonieux pour ses autres enfans. « Combien, lui écrit-elle (28 octobre 1584), que j’aie sollicité de tout mon pouvoir ceux qui ont été ordonnés pour la conduite des affaires de la maison, si est-ce que jusques à présent n’en ai pu obtenir aucune réponse. Je fais ce que je puis pour me maintenir avec la dignité de la maison en laquelle j’ai eu cet honneur d’être alliée, et je le ferai encore tant qu’il sera en ma puissance, tant pour mon regard que des petits enfans que j’ai retirés près de moi. Suivant quoi, combien que c’est avec grands frais, même pour la longueur du chemin, j’ai retiré de France quelques moyens sans lesquels il m’eût été du tout impossible de soutenir une telle dépense que celle qu’il me faut faire. » Dans une autre lettre (19 décembre 1584), elle lui écrit qu’elle s’est installée à Leyde avec le petit neveu et les nièces de Jean de Nassau pour « s’oster du lieu où elle a reçu sa perte. » De là, elle se rendit à Middelbourg, en Zélande. « Vos petites nièces et mon fils, votre petit neveu, se portent bien… J’espère que Dieu me conservera ce gage, que j’ai si cher, de monseigneur son père ;

  1. Archives et Correspondance de la maison d’Orange-Nassau.