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c’est toute ma consolation et mon unique plaisir… Cette maison est réduite maintenant à tel point que je ne sais plus comment les enfans et moi avons moyen de nous entretenir selon l’honneur de la maison. » (28 avril 1589.)

Jean de Nassau n’avait sans doute conservé que peu de crédit dans les Pays-Bas ; pendant cinq ans, la princesse dut vivre avec ses propres ressources. On différait toujours de payer son douaire (son contrat de mariage lui assignait une rente de 8, 000 livres, la jouissance des châteaux de Berg-op-Zoom et de Grave) et les pensions allouées aux enfans de Guillaume..

Faisons connaître les enfans de Charlotte de Bourbon, que la princesse avait adoptés et élevait avec son fils : au moment où Guillaume fut assassiné, l’aînée, Louise-Julienne, n’avait encore que huit ans ; Louise de Coligny ne conserva pas auprès d’elle les six filles de Charlotte de Laval. Son mari, toujours préparé à la mort, avait d’avance recommandé la seconde et la sixième à leurs marraines et à leurs parentes. La reine Élisabeth, aussitôt après le crime, écrivit au duc de Montpensier, le grand-père des jeunes orphelines. Elle lui conseilla de confier l’aînée à la fille de Jeanne d’Albret, Catherine de Bourbon, et demanda qu’on lui envoyât la seconde, sa filleule ; elle recommandait d’en donner une à la duchesse de Bouillon, une à l’électrice palatine, une à la comtesse de Schwartzbourg. Une d’elles, Flandrine, était déjà auprès de sa tante, Jeanne de Bourbon, abbesse du Paraclet.

Ces prescriptions ne furent pas exactement suivies : la princesse d’Orange conserva auprès d’elle quatre filles, Louise-Julienne, Élisabeth, Charlotte-Brabantine et la plus jeune, Amélie, qui n’avait, au moment de la mort de son père, que trois ans. Catherine fut donnée à sa marraine, Mme de Schwartzbourg. Ce fut sans doute une douceur pour la pauvre veuve, assiégée de tant de souvenirs affreux, d’être entourée d’un petit peuple d’enfans, de les élever, de parler de la France aux filles d’une princesse de Bourbon. La solitude de Middelbourg eût été trop affreuse pour la princesse d’Orange, si des devoirs incessans n’avaient rempli sa vie et ne l’avaient arrachée à sa douleur.

Les lettres inédites de Louise de Coligny que l’on conserve dans nos archives nationales ont été écrites dans cette ville : les événemens qui y sont mentionnés ne laissent point de doute sur leur date. La princesse d’Orange eut en 1590 et en 1591 une correspondance assez active avec Henri de La Tour, qu’on nommait alors le vicomte de Turenne et qui devait être si connu plus tard sous le nom de duc de Bouillon. Henri de La Tour était de la maison des anciens comtes d’Auvergne : son père était mort à la bataille de Saint-Quentin quand il n’avait encore que trois ans. Il fut élevé à Chantilly auprès de ses