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afin d’aller achever sa mission chez l’électeur de Saxe et chez l’électeur palatin.

Le 29 février 1591, la princesse d’Orange écrit à Turenne une longue lettre pour lui demander des nouvelles. Elle se plaint de n’avoir rien reçu de lui depuis qu’il avait passé à Utrecht. Un paquet qu’il lui avait fait passer pour la France s’était perdu ; un autre avait été confié à un bateau marchand qui allait à Dieppe, mais qui s’échoua par le brouillard dans la rivière de Somme. « Mon beau-fils (le prince Maurice) me vient de mander qu’il a nouvelles que vous estes arivé à Dresden. J’en loue Dieu de tout mon cœur et le suplye de bénir tellement vos peynes et votre labeur que bientôt il en puisse revenir le bien que tous les gens de bien en espèrent. »

Le 15 mars, elle n’avait pas encore reçu de nouvelles de son cousin le vicomte de Turenne ; elle est occupée de rechercher les moyens de faire toucher pour lui de l’argent. Elle lui donne des nouvelles du roi : « Vous verrez par une lettre que je vous envoyé comme notre roy se hasarde toujours, Dieu le nous préserve et tous ses bons sentimens. Je viens de recevoir une lettre de M. le prince Dombes, qui me mande que les affayres du roy commancent à prospérer plus qu’ils n’ont fait en Bretagne. »

Louise de Coligny aimait sa retraite de Middelbourg : on peut deviner à certaines confidences de Du Maurier que si le prince Maurice lui rendait les respects qu’il lui devait, il était économe de son affection. Maurice ne voyait dans le fils de la princesse d’Orange qu’un héritier du Taciturne ; cet enfant pouvait être appelé à prendre sa place, si lui-même tombait sous une balle ou sous le poignard. On parlait sans cesse de le prendre à sa mère : celle-ci gagnait du temps, elle ne voulait pas le mener en Hollande ; il lui semblait que son fils était plus à elle dans la petite presqu’île de Zélande. Elle confiait ainsi ses alarmes à son parent :


« Mon frère, par la commodité de M. de La Tour, il faut que je vous découvre mes peynes comme à celui seul du conseil de qui je veux dépendre ; cette lettre sera donc toute pour moy, vous ayant envoyé hyer par la voye de Coulongne (Cologne) tout ce que nous sçavons icy de France ; or je vous diray donc que vous sçaves la promesse qui nous a esté fayte pour le regard de mon fils, cependant je découvre que l’on a eu égard seulement à ne rien refuser au roy ny à vous, et à me donner aussy quelque contentement pour me fayre tousjours couler le temps, et se promet que ne réussira rien de cela, parce que l’on dit que ceste promesse vous a esté conditionnée lorsque la France serait en repos, et, ne voyant pas d’aparence à cela, ils sont à me persuader que cela ne me doit empescher d’aler en Holande, et meu pressent et solicitent fort, et j’ay sçeu par ung qui le sçait très bien, de qui je l’ay tiré