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des temps modernes, mais à le considérer en dehors des comparaisons avec autrui, dans ses aptitudes essentielles et dans ses coutumes dominantes, on peut dire qu’il est avant tout un sculpteur. Dans un livre dédié à Michel-Ange, une part principale revenait donc naturellement aux œuvres sculptées par lui et aux souvenirs qu’elles perpétuent. Or, puisque M,. Guillaume s’était chargé de cette partie du livre, on devait prévoir qu’il apporterait dans l’accomplissement d’une pareille tâche les habitudes élevées et la rare netteté de son esprit aussi sûrement que son expérience technique.

On sait en effet que l’éminent statuaire est aussi, pour tout ce qui tient à la théorie de l’art, un des penseurs les plus solides et les plus érudits de notre temps. Les articles si substantiels qu’il a fournis depuis treize ans au Dictionnaire de l’Académie des Beaux-Arts et, dont la plupart constituent de véritables traités, — quelques dissertations isolées, parmi lesquelles un excellent travail publié en 1866 sous ce titre : Idée générale d’un enseignement élémentaire des beaux-arts, — plusieurs autres écrits encore montrent assez la portée de cet esprit profondément philosophique jusque dans les plus arides questions de terminologie ou de métier. A plus forte raison, là où il s’agissait non plus de spéculations abstraites sur les conditions ou les procédés de l’art, mais d’observations formelles sur le génie et les travaux d’un grand artiste, M. Guillaume était en mesure de prononcer des jugemens sans appel. Aussi la critique ne saurait-elle guère où se prendre pour relever dans les pages qu’il vient de nous donner une proposition contestable ou seulement une explication incomplète. A peine se croirait-on autorisé à noter çà et là quelque apparence d’uniformité dans l’éloge ; à peine pourrait-on quelque peu s’étonner de voir parfois le judicieux écrivain accorder, au moins dans les termes, la même part d’admiration aux chefs-d’œuvre absolus du maître et à ceux de ses ouvrages qui ne laisseraient pas de permettre des réserves; mais à côté de ces craintes peut-être exagérées, d’irrévérence, à côté, si l’on veut, de cet excès de respect qui ne serait tout au plus qu’un péché bien véniel, que de témoignages sans équivoque d’une doctrine fondée à la fois sur la pratique personnelle et sur l’étude assidue des principes théoriques de l’art, de ses ressorts secrets, de sa raison d’être et de sa fin !

Aux yeux de bien des gens, la, sculpture telle que l’a traitée Michel-Ange et malgré l’éclat des succès obtenus, cette sculpture grandiose, mais suivant eux grandiose à outrance, ce style vaillant jusqu’à l’extrême impétuosité, impliquent un démenti aux idées d’ordre et de calme que le ciseau a la fonction expresse et le devoir impérieux de traduire. De là cette admiration exclusive qu’on se croit obligé de professer pour les monumens quels qu’ils soient de la statuaire antique, et, sous prétexte de bon goût, cette intolérance traditionnelle pour tout ce qui n’est