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gouvernement de la race allemande ; mais nous ne sommes pas encore à la veille de voir une pareille « sécession, » et la Prusse n’a pas encore des « devoirs » à exercer de ce côté. Au Brésil, l’émigration des Allemands est également considérable, et le gouvernement de Rio-Janeiro, en vue de peupler le pays, fait tous ses efforts pour les attirer. Là encore il n’y a pas matière à une intervention prussienne ; toutefois, avant d’admettre « dans sa maison, sa chambre et son lit » la lice embarrassée de ses petits, le Brésil fera bien de prendre des précautions pour le jour où elle voudrait montrer Les dents. Là encore il peut y avoir prétexte à une intervention ; mais en Chine, où l’Allemagne n’est guère représentée que par des courtiers en montres de Genève, quelle sera la raison d’une croisière ?

N’importe ! il s’agit d’abord de se servir du jouet meurtrier que la Prusse s’est donné et qu’elle est impatiente d’essayer. Quand viendra l’heure d’armer sérieusement la flotte complétée selon les vues de M. de Bismarck, la difficulté sera plus grande et le jeu moins facile. Cette flotte exigera 12,000 hommes d’équipage. Les populations côtières de l’empire ne comprennent pas plus de 45,000 marins, qui pour la plupart naviguent sur les bâtimens de commerce. Il y en a bien peu jusqu’à présent qui connaissent le service à bord des navires de l’état et qui soient en état de manier l’artillerie ou les autres armes. Tel courage qu’on leur suppose, des marins ramassés ainsi au hasard feraient de pauvres équipages, donc le gouvernement de Berlin ne peut raisonnablement espérer que dans l’avenir ; il ne néglige pas de préparer cet avenir.

En vertu de la loi qui règle le service obligatoire, tout Allemand qui se destine au métier de la mer, tout sujet de l’empire qui se livre à l’industrie de la pêche est assujetti à servir dans la marine militaire à partir du 1er janvier de l’année où il accomplit sa vingtième année. Il est reçu dans une des deux divisions des équipages où l’amirauté prend ses matelots. Après trois ans de service consécutif, il passe dans la réserve et y complète sept années de service, étant levé toutes les fois que l’état réclame son concours. À vingt-sept ans, il fait partie de la seewehr, qui est à la défense de la mer ce que la landwehr est à la défense de la terre. Dans un temps donné, cette organisation produira un nombre convenable de marins exercés. Il en est de même des sous-officiers. À ceux-ci on offre une meilleure solde, et, à l’époque de leur libération définitive, la perspective d’obtenir des emplois civils qui sont énumérés dans un décret. Cet appât ne relient point les sous-officiers marins dans la carrière militaire, ils se hâtent de l’abandonner. Le gouvernement n’ignore pas que les bons sous-officiers font les bons équipages ; aussi se répand-il en promesses. Il fait briller aux yeux les « récompenses honorifiques, » peine inutile ; il fait appel aux