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spectre caractéristique de ces corps ; depuis quelques années, grâce surtout à M. Janssen, on les entrevoit directement par leurs raies brillantes.

Pendant l’éclipse du 18 août, qu’il observait à Gontour, dans l’Inde, M. Janssen avait vu le spectre ordinaire du soleil céder la place à un spectre gazeux, fourni par la pâle lueur de deux protubérances et composé de cinq raies brillantes dont les principales appartenaient à l’hydrogène ; il en conclut que ces appendices roses sont des nuages d’hydrogène incandescent, et il se promit de revoir les raies lumineuses au grand jour. L’état du ciel l’empêcha de faire une tentative immédiatement après l’éclipse ; mais le lendemain, en promenant la fente du spectroscope le long du bord solaire, M. Janssen vit quelques-unes des raies noires du spectre ordinaire se prolonger par de fines pointes brillantes, de la couleur des rayons dont les raies noires marquent la place dans le spectre. Ces lignes brillantes n’étaient autres que les raies caractéristiques de l’hydrogène, qu’il avait déjà vues la veille ; elles trahissaient la présence d’une couche d’hydrogène incandescent dont les contours étaient indiqués par la hauteur variable des raies dans les divers points du disque. Comment la faible lumière des protubérances devient-elle visible dans ces conditions malgré l’éclat de la photosphère, qui n’est plus cachée par le disque de la lune, comme pendant l’éclipse ? L’explication est fort simple : le prisme, qui étale la lumière solaire en un long ruban multicolore, l’affaiblit considérablement par cette dilatation, tandis que les raies brillantes des protubérances, étant à peu près monochromatiques, sont à peine dilatées et par suite ne perdent presque rien de leur intensité.

Tandis que M. Janssen découvrait dans l’Inde cet ingénieux procédé d’observation, M. Lockyer, à Londres, le cherchait de son côté et finit par réussir avant que l’astronome français pût faire connaître sa découverte en Europe. Il a donc une part légitime dans la gloire qui s’attache à ce nouveau progrès. Pendant quelque temps, la méthode de M. Janssen fut employée telle que l’inventeur l’avait conçue par les astronomes qui avaient porté leurs efforts sur la physique solaire ; elle ne laissait pas pourtant d’être d’une application tant soit peu pénible. Il a suffi d’une légère modification pour la rendre tout à fait commode et pratique : en élargissant un peu la fente du spectroscope, on voit, non plus les raies, mais les protubérances elles-mêmes, telles qu’elles se montrent pendant les éclipses totales de soleil. Le capitaine Herschel, M. Huggins, M. Zœllner, ont fait ce dernier pas à peu près en même temps ; désormais les bords du disque solaire peuvent être explorés avec la plus grande facilité tous les jours, si le soleil n’est pas complètement