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des mêmes élémens que celle de Bicêtre ; outre les malades et les épileptiques, elle comprend un certain nombre de jeunes filles à demi idiotes qui correspond à cette catégorie de garçons qu’on envoie aujourd’hui à Vaucluse, et dont on s’efforce également de développer l’intelligence par des leçons suivies. La personne qui leur donne ces leçons est une femme admirable dont l’histoire touchante a été rapportée ici même[1]. Pour ne pas se séparer de sa mère idiote, elle a demandé à être admise avec elle à la Salpêtrière, où elle a été pendant longtemps employée gratuitement au soin des enfans. Si j’en parle à nouveau, c’est parce que j’ai eu assez souvent l’occasion de témoigner une certaine méfiance vis-à-vis des surveillantes laïques pour ne pas laisser échapper l’occasion de dire qu’on trouve aussi parfois dans ce personnel assez peu sûr d’admirables exemples de charité et de dévoûment. Les résultats qu’obtient l’institutrice de la Salpêtrière sont surprenans lorsqu’on a égard aux sujets ingrats qui lui sont confiés. Les cahiers qu’on vous montre ne sont pas très différens de ceux qu’on rencontrerait dans une école élémentaire ; mais ce qui est différent, c’est l’âge des enfans, et il faut se tenir pour satisfait lorsqu’une fille de quinze ans parvient à écrire à peu près correctement l’orthographe en grosse écriture ronde. Une distribution de prix récompense chaque année les plus méritantes.

En résumé, ces deux asiles constituent un spécimen déplorable de notre ancienne assistance hospitalière. Il est regrettable qu’au moment où on a construit les magnifiques asiles de Ville-Éverard et de Sainte-Anne l’on n’ait pas songé à y installer un quartier pour les enfans et pris son parti de supprimer dès cette époque ces deux quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière qui font véritablement peu d’honneur à la charité publique. Un asile spécial pour les enfans idiots vient, il est vrai, d’être ouvert à la colonie de Vaucluse ; mais cet asile, qui d’ailleurs ne reçoit que des garçons, n’est pas assez vaste pour remplacer les quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière. C’est à un autre point de vue qu’il faut en étudier l’organisation comme une tentative intéressante pour appliquer les enfans idiots à la culture de la terre et pour donner à leur intelligence voilée le développement qu’elle comporte.

Les premières tentatives qui ont été faites en France pour l’éducation intellectuelle des idiots remontent assez loin. C’est en 1842 que fut ouverte dans le quartier des idiots de Bicêtre une école où furent mis en pratique les principes professés par un médecin qui a

  1. Voyez l’étude de M. Maxime Du Camp sur les Aliénés à Paris, dans la Revue du 1er novembre 1872.