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marquise pour lui exprimer son espoir « que la France continuerait par ses actions vis-à-vis de l’Autriche à seconder son zèle apostolique » et que, grâce à l’infatigable ardeur de Mme de Pompadour pour les intérêts du roi « vus dans le grand, » on approcherait bientôt « de la consommation du plus grand ouvrage qui fût jamais sorti d’aucun cabinet d’Europe, » et toujours le post-scriptum obligé : « vous ne doutez pas, madame, que ce ne soit avec la plus grande impatience que j’attends ce charmant portrait pour lequel M. de la Tour me fait languir depuis si longtemps[1]. » Sur ces entrefaites, l’attentat de Damiens contre Louis XV faillit renverser du même coup le crédit de Mme de Pompadour et brouiller les calculs de l’Autriche. Il y eut un moment d’hésitation ; mais Starhemberg s’empressa d’informer le chancelier « que la marquise n’avait été que quatre ou cinq jours sans entendre parler du roi, que dès le cinquième ou sixième il lui avait écrit » et que Louis XV, aussitôt que rassuré sur les suites de son égratignure, était retourné chez Mme de Pompadour « comme à l’ordinaire. » Le renvoi de MM. d’Argenson et de Machault dissipa les alarmes de Kaunitz. L’abbé de Bernis, créature de Mme de Pompadour, devint tout-puissant dans le conseil, et le comte de Stainville, depuis duc de Choiseul, d’une famille qui se partageait depuis déjà plusieurs générations entre le service de l’empire et celui de la France, fut désigné pour l’ambassade de Vienne. Dans l’intervalle, un second traité de Versailles avait été signé le 1er mai 1757, jour anniversaire de la signature du premier. Le chancelier fut chargé par « ordre exprès de leurs majestés impériales » de témoigner au comte de Bernis et au maréchal de Belle-Isle « la grande satisfaction et l’estime particulière » de Marie-Thérèse. Pour Mme de Pompadour, l’impératrice résolut de lui offrir un souvenir (Andenken) et fit prier Starhemberg de savoir adroitement ce qui pourrait être le plus agréable à la marquise « d’un présent en argent, d’une tabatière ornée du portrait de sa majesté, d’une boîte de laque, ou bien encore d’un présent en bijoux. » Starhemberg opina pour une écritoire, et Marie-Thérèse voulut choisir elle-même dans sa collection de laques indiennes les pièces les plus belles et les plus rares qui furent envoyées à un bijoutier de Paris, « Durollay et Estienne son neveu, » pour les monter et les garnir d’or et de pierres précieuses. Kaunitz n’avait pas attendu jusque-là pour adresser à Mme de Pompadour ses complimens ordinaires, dans un style cette fois plus grave et plus officiel qu’il ne l’avait encore fait : « Le comte de Starhemberg m’a informé, madame, du plaisir et de la satisfaction que vous aviez témoigné à l’occasion de ce que le roi vient de faire en dernier lieu pour seconder plus puissamment l’impératrice et la cause commune. Il

  1. Toutes les citations dont la source n’est pas indiquée sont empruntées aux pièces inédites données par M. d’Arneth. Geschichte Maria Thereria’s, t. IV et V.