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surtout pour procurer à l’industrie et au négoce la sécurité dont ils ont besoin ; il est particulièrement indispensable pour les pays qui se livrent avec le plus d’activité et de succès au travail manufacturier, les produits de ce travail étant le plus exposés aux rigueurs des tarifs. Par conséquent, il est peu de nations qui aient autant d’intérêt que la France à conclure des traités de commerce.

Il suffit, pour s’en rendre compte, de se rappeler à quel point l’industrie et le commerce de la France ont été tout récemment troublés dans leurs relations avec l’Italie et avec l’Autriche, par suite de l’expiration des traités qui n’avaient pas été remplacés par des conventions nouvelles. De même, à défaut de traité, nos rapports avec l’Espagne ont été pendant plus d’un mois très gravement compromis. Il a fallu d’urgence, et sous le coup d’unanimes réclamations, recourir à des arrangemens provisoires qui ont permis la reprise des affaires en attendant que les tarifs conventionnels soient, de part et d’autre, réglés à titre définitif.

L’émotion n’a pas été moindre sur l’avis de la dénonciation des traités conclus avec l’Angleterre et avec la Belgique. Cet acte n’aura son effet qu’au 1er janvier 1880 ; les conventions dénoncées resteront en vigueur jusqu’à la fin de la présente année ; mais si, dans ce délai, on ne parvient pas à s’entendre sur les clauses des conventions nouvelles, à quels tarifs, à quel régime seront soumises les marchandises échangées entre la France et l’Angleterre, entre la France et la Belgique ? Il s’agit là de milliards qui se composent tout à la fois de produits agricoles et de produits manufacturiers ; il n’y a pas une branche de travail qui ne soit touchée par cet acte de dénonciation qui a procédé de l’unique initiative de notre gouvernement, et auquel on pouvait d’autant moins s’attendre qu’il est de nature à provoquer, au point de vue constitutionnel, une objection des plus sérieuses. D’après l’article 8 de la loi qui règle les rapports des pouvoirs publics, l’approbation des traités de commerce est réservée au vote des deux chambres. La constitution a voulu que la représentation nationale fût expressément appelée à se prononcer sur des actes qui engagent à un si haut degré les intérêts du pays, en modifiant les conditions de son agriculture, de son industrie et de son commerce. Or dénoncer sans consultation préalable un traité qui, après être arrivé à son terme, continuait à être régulièrement exécuté par voie de prorogation tacite, déchirer une convention qui avait près de vingt ans de durée, n’est-ce point modifier de la manière la plus complète les conditions de l’agriculture, de l’industrie et du commerce ? Une mesure de cette importance ne doit-elle point, par analogie, être accompagnée des précautions et des formalités que la loi constitutionnelle a