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l’honneur du sexe féminin, peut s’expliquer facilement par la vigueur moins grande des passions, par l’influence plus habituelle des sentimens religieux ; mais il est curieux d’avoir à constater que ces mobiles si divers agissent d’une façon si uniforme et si constante à travers les temps et les milieux.

Bien que le chiffre proportionnel des femmes accusées ou prévenues ne varie pas sensiblement en France d’une année à l’autre, ce contingent annuel se répartit par contre très inégalement sur les divers points du territoire. Le contingent fourni par les département ruraux est très faible, celui des grandes villes est plus considérable ; mais ici Paris et sa banlieue sont, comme toujours, au premier rang. Plus du sixième des femmes prévenues ou accusées est fourni par le département de la Seine. Dans ce chiffre, l’élément juvénile tient, comme pour les hommes une grande place. D’un relevé fait à ma demande sur le registre d’écrou de la prison de Saint-Lazare, il résulte que, du 1er janvier 1872 au 1er janvier 1878, 1,638 jeunes filles ou femmes âgées de seize à vingt et un ans ont été mises en état d’arrestation. À ce chiffre il faut ajouter celui de 1,646 enfans âgées de moins de seize ans qui ont été, pendant ce même laps de temps, arrêtées par les agens de la préfecture de police, ce qui porte en six ans à 3,284 le contingent féminin de la criminalité juvénile, soit environ 547 par an. Dans un contingent aussi nombreux figurent, comme on peut penser, des criminelles de toute sorte ; depuis des mendiantes, des vagabondes et des petites voleuses jusqu’à des filles qui ont tué leur amant, et des mères qui ont tué leur enfant. Dans ce triste monde en effet, tout se tient, tout s’enchaîne : la paresse, l’inconduite, le crime, et pour telle jeune fille qui comparaît sur le banc des assises, ayant trempé ses mains dans le sang, les premiers jours de sa corruption datent souvent du temps où, après avoir gagné quelques sous en courant avec un bouquet de violettes à la main après les passans séduits par sa gentillesse, elle passait le reste de la journée à jouer derrière les planches d’un enclos avec des garçons plus âgés qu’elle. Combien dans ce développement précoce de la criminalité l’inconduite joue un rôle prépondérant, on peut s’en faire une idée par ce détail : sur ces seize cent trente-huit femmes âgées de seize à vingt et un ans entrées dans la prison de Saint-Lazare, trente-cinq seulement étaient mariées, ce qui, pour qui connaît les mœurs populaires à Paris, veut dire que presque toutes les autres vivaient en état de débauche ouverte ou de concubinage. Je me suis au reste attardé assez longtemps dans mes études précédentes sur les causes du vagabondage et de la criminalité juvénile pour n’avoir pas à y revenir. Il ne me reste plus qu’à expliquer le traitement pénitentiaire auquel sont soumises ces