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développer leurs griefs : le chef des autonomistes prit, de son côté, l’engagement de ne plus mettre obstacle au vote du budget. Disons à la louange de la chambre des communes que, s’étant séparée à midi et demi, après avoir siégé vingt-une heures consécutives, elle rentrait en séance à deux heures et reprenait ses travaux.

M. Parnell tint la parole qu’il avait donnée à lord Hartington ; mais en même temps il profita de la concession qui lui avait été faite pour demander à M. Forster, dans l’intérêt de la paix publique et pour calmer les esprits, de faire connaître quels actes abusifs et quel concours de circonstances détermineraient la présentation des mesures protectrices qu’il avait fait entrevoir en faveur des tenanciers. Le ministre se trouva de nouveau pris entre deux feux. Sommé d’expliquer à quels caractères, à quels faits se reconnaîtrait la justice ou l’illégalité d’une éviction, il essaya d’établir une distinction entre la légalité et la justice naturelle, et finit par dire qu’il n’avait parlé qu’en son nom personnel : le jour où les choses prendraient en Irlande une tournure telle que sa conscience ne lui permettrait plus de prêter main-forte à la législation existante, il soumettrait la question à ses collègues et leur demanderait d’aviser. Cette explication ôtait toute importance aux paroles qui avaient causé une si vive émotion : ces paroles pouvaient, éventuellement, rendre nécessaire la démission de M. Forster ; elles n’engageaient pas le gouvernement. C’était le 30 août que M. Forster était ainsi contraint de se désavouer lui-même : quatre jours ne s’étaient pas écoulés que l’imprudent ministre se créait un nouvel embarras. On avait déjà dépassé de plus de quinze jours l’époque marquée par l’usage pour la clôture de la session ; le gouvernement, qui avait laissé la chambre des lords sans occupation pendant de longues semaines, lui apportait coup sur coup les mesures les plus importantes à un moment où elle n’avait plus la liberté morale de les soumettre à un examen approfondi. Lord Redesdale, qui, en qualité de président des comités de la chambre haute, doit se concerter avec le gouvernement pour l’ordre des travaux, avait vainement appelé plusieurs fois, en particulier et en séance publique, l’attention des ministres sur une façon d’agir peu respectueuse pour les prérogatives et la dignité de la pairie. Le 2 septembre, l’ordre du jour amenait la seconde lecture d’un bill relatif à la confection des listes électorales en Irlande : lord Redesdale fit rejeter ce bill uniquement à cause de sa présentation tardive et à titre de démonstration du mécontentement de la chambre. Ce rejet tirait d’autant moins à conséquence que la mesure ne devait entrer en vigueur qu’au 1er janvier 1881 et que, les listes électorales s’établissant dans la seconde moitié de l’année, il était facile au gouvernement de faire voter ce bill en temps utile en le représentant au début de la