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point tant pressé. La féodalité devait disparaître, personne n’y contredit, mais encore y fallait-il quelques précautions ; le sacrifice était nécessaire, mais il n’était pas défendu d’en attendre le moment opportun et d’y faire un choix. À côté de vexations et d’abus devenus intolérables, il y avait d’anciennes possessions d’état, légitimées par de grands services rendus, à sauvegarder. Ainsi, de temps immémorial, en France, les dîmes avaient été l’une des principales ressources des écoles. Elles formaient, en partie, la dotation de l’instruction publique. Nombre de séminaires, de collèges et même d’universités en vivaient. Bref, un sérieux intérêt commandait d’en maintenir au moins la part afférente aux maisons d’éducation, ou de la remplacer par une subvention pareille. La constituante, dans sa précipitation, ne vit pas cela ; elle abolit les dîmes de toute nature et les revenus qui en tenaient lieu, en même temps que les autres privilèges, « sauf, dit le décret, à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à tous les établissemens, séminaires, écoles, collèges, etc., à l’entretien desquels elles sont actuellement affectées. »

Par une disposition transitoire, il est vrai, la perception des « dites dîmes, » il devait continuer « jusqu’à ce que les anciens possesseurs fussent entrés en jouissance de leur remplacement, suivant les lois et en la manière accoutumée. » Mais cette disposition tutélaire ne tarda pas à être elle-même abrogée. Ce fut l’objet d’un décret du 20 avril 1790, qui décida a qu’à compter du 1er janvier 1791, les dîmes de toute espèce cesseraient, d’être perçues. »

À la même époque et au même ordre d’idées plus généreux que réfléchi se rattache une mesure d’une non moindre portée : la suppression des taxes indirectes (2-17 mars 1791). Un grand nombre d’écoles et de collèges jouissaient de rentes plus ou mains élevées sur le produit des octrois, et se trouvaient conséquemment intéressés à leur maintien. La constituante n’hésita pas à tarir encore cette source de revenus, qui devait être considérable, si l’on en juge par le nombre des réclamations dont on retrouve encore la trace aux archives, et qui forment un dossier du plus triste intérêt. Il faut voir, dans ces documens, à quelle condition étaient déjà réduites beaucoup de maisons d’éducation à la fin de l’année 1791. Ce n’est pas encore la ruine, mais c’est déjà la misère. Tel établissement naguère fort convenablement rente se voit maintenant contraint à tendre-la main ; tel autre a dû réduire le nombre de ses professeurs par raison d’économie.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.

Tous souffrent et se plaignent, et c’est en vain que, par une loi du 6 juin 1792, la législative essaiera d’apporter quelque soulagement