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l’habitant trop sédentaire du palais et la victime de ses alanguissantes douceurs.

Si nous connaissions mieux, par le menu, l’histoire intérieure de l’Égypte, nous y trouverions certainement plus d’un exemple de ce phénomène : selon toute apparence, c’est ainsi que durent déchoir et s’éteindre les Ramessides. En tout cas, le palais égyptien ne pouvait s’écarter beaucoup du type que nous avons décrit, et ce type, nous en reconnaissons tous les traits caractéristiques dans ces édifices que l’on a jusqu’ici toujours appelés des villas[1]. Vous vous en convaincrez si vous prenez la peine de restaurer, sur le papier, les plus importantes des habitations représentées à Tell-el-Amarna. Cette restitution a ses difficultés ; il faut arriver à bien comprendre les procédés dont se sont servis les Égyptiens pour figurer les édifices. Dans ce que l’on a nommé assez inexactement des plans cavaliers, ils mêlent ces différens tracés du dessin géométral que nous appelons le plan, la coupe et l’élévation ; ils passent, sans nous en avertir, de l’un à l’autre, liberté capricieuse qui s’explique par le désir de montrer à la fois des détails de construction qui, dans la réalité, ne peuvent être aperçus et embrassés par un seul regard. On parvient pourtant à s’y reconnaître par une étude attentive de ces figurations et l’on réussit à se faire une idée assez nette de la manière dont l’édifice était disposé. C’est un ensemble de bâtimens et de plantations qui occupe sur le terrain un très vaste espace. Même ampleur de développement, même variété que dans les palais orientaux d’autrefois et d’aujourd’hui ; même mélange de constructions appropriées à divers usages et de jardins, d’esplanades, de cours spacieuses ; ici des colonnades de pierre, là des colonnes de bois, plus légères et plus sveltes. Ce sont bien là ces demeures immenses qui, dans la ville même ou dans son voisinage immédiat, offraient au souverain tous les plaisirs de la campagne ; il n’était pas un de ses goûts et de ses désirs qui n’y pût trouver, sur l’heure, une pleine satisfaction.

La partie de l’habitation royale qui attire tout d’abord l’attention, dans la plus intéressante des planches où Prisse d’Avennes a donné la copie de ces plans cavaliers, c’est celle qui semble correspondre à ce que l’on appelle en Orient le sélamlik, à des appartemens de

  1. Nestor L’Hôte, ce fin connaisseur, qui a deviné si souvent ce que les études égyptologiques ne pouvaient pas encore démontrer au temps où il visitait l’Égypte, a éprouvé à Tell-el-Amarna la même impression : « Des détails non moins intéressans, dit-il, nous font connaître la distribution et en quelque sorte le plan à vol d’oiseau des palais du roi, les portiques et les propylées qui y donnaient accès, les chambres intérieures, magasins et offices, les cours, jardins, réservoirs, enfin tout ce qui composait l’ensemble d’une demeure royale. » (Lettres écrites d’Égypte en 1838 et 1839, in-8o, 1840 p. 64-65.)