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l’ineptie, le servilisme et la trahison. Ils relèvent le courage, car ils permettent d’espérer que la France, qui a eu à son service tant de capitaines et de politiques, retrouvera un jour des généraux et des diplomates dignes de ses destinées.

L’empereur était ulcéré des procédés de la Prusse. Le roi et son premier ministre oubliaient les services qu’il leur avait rendus en toutes circonstances. Ils méconnaissaient leurs engagemens, ils repoussaient son alliance. Ils lui refusaient, après s’être agrandis démesurément, une compensation insignifiante qui devait lui permettre de recouvrer son prestige et de réconcilier son pays avec les événemens de 1866. Il dut se soumettre cependant aux instances de ses ministres qui, tous, reculaient devant la guerre ; mais il ne se résigna qu’à son corps défendant et avec l’espoir de se relever avant peu d’une aussi humiliante défaite. Il pressait le maréchal Niel de redoubler d’efforts pour lui reconstituer une puissante armée, et M. de Moustier d’user de tous les stratagèmes de la diplomatie pour maintenir les choses en état pendant quelques semaines. Il avait sacrifié à de faux dieux, il l’expiait cruellement.

À la date du 1er avril, la question du Luxembourg n’existait pas pour les chancelleries. Tout s’était passé sous le manteau de la cheminée, en pourparlers secrets entre M. de Bismarck et M. Benedetti, entre l’empereur, M. de Moustier et le comte de Goltz. Elle n’avait été, entre le cabinet des Tuileries et celui de Berlin, l’objet d’aucun échange de notes ou de dépêches ; mais après les manifestations retentissantes du parlement du Nord, elle prenait du jour au lendemain le caractère d’une question européenne. La France et la Prusse allaient, se mesurant des yeux, s’expliquer et prendre position. M. de Moustier et M. de Bismarck adressèrent des dépêches circulaires à leurs agens ; elles étaient les premières pièces du procès ; elles exposaient à des points de vue différens les motifs, sinon les origines et les causes premières, du conflit qui éclatait subitement à l’occasion des négociations secrètes engagées entre l’empereur et le roi des Pays-Bas.

M. de Bismarck répondait un jour au parlement, qui réclamait un blue book, que les livres bleus, rouges ou jaunes ne contenaient en général que des documens insignifians, revus et corrigés, et que, pour sa part, il n’en publierait jamais. « Les seules dépêches vraiment intéressantes, disait-il, sont celles que les gouvernemens communiquent d’eux-mêmes aux journaux dans certains momens critiques ; elles méritent d’être lues attentivement, disait-il, car elles révèlent de sérieuses complications et préparent souvent l’opinion publique à la guerre. »

La circulaire de M. de Bismarck était ce qu’on appelle en langage