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mètres et, si je puis ainsi dire, ces architectures de strophes dont Horace allait faire un si heureux usage, comme notre Ronsard ces nouveautés rythmiques dont Malherbe, et de nos jours surtout les romantiques, devaient tirer le parti que l’on sait. Et de même encore que Ronsard devait assouplir ce grand alexandrin dont le XVIIe siècle allait faire le vers type de la poésie française, c’est Catulle qui, plus qu’aucun autre, a façonné le génie de la langue latine aux lois du distique de Tibulle et de Properce, comme aux lois de l’hexamètre épique de Virgile. Quoi qu’il en soif, au surplus, de ces points particuliers, l’une et l’autre tentative allait au même but : il s’agissait, pour Catulle comme pour Ronsard, de hausser le ton de la poésie nationale, et de faire sonner à la langue quelque chose de plus noble que la satire de Lucilius ou la gauloiserie cynique de Villon : et c’est là vraiment l’important.

Et que l’on ne dise pas ici, comme on en pourrait être tenté, qu’il n’a pas manqué, dans l’histoire de la littérature française et de la littérature latine, d’autres siècles que celui de Catulle et celui de Ronsard où les mêmes conditions se seraient trouvées toutes réunies. Car il ne suffirait pas de le dire, mais il faudrait encore le prouver. Et puis, ce serait confondre deux choses qui, pour se ressembler quelquefois, du moins en apparence, ne laissent pas au fond de différer prodigieusement entre elles : l’imperfection de ce qui commence et la corruption de ce qui finit. L’assimilation que je crois pouvoir faire de Catulle, comme le plus brillant imitateur de l’alexandrinisme à Rome et le représentant le plus illustre de toute une nombreuse école, avec nos poètes du xvie siècle, ne saurait être utilement combattue que si l’on prouvait au préalable que le point de perfection de la poésie latine est en-deçà de Virgile et le point de maturité de l’art d’écrire en vers français en-deçà de Racine. En d’autres termes encore : je n’exprime point ici d’opinion personnelle, c’est-à-dire qui dépende en aucun degré du plaisir que j’éprouverais à lire Catulle ou feuilleter Ronsard : c’est une déduction de littérature comparée. Quelle est la valeur propre de Catulle, je n’en sais rien. Quel est le mérite original et pour ainsi dire individuel de Ronsard, je l’ignore. Ce que je dis uniquement, c’est qu’il y a eu dans l’histoire des lettres latines une époque des mœurs, de la langue, de la poésie, dont Catulle est le représentant, d’une part ; que, d’autre part, il y a dans l’histoire de la littérature française une époque évidemment caractérisée par un même état de la poésie, de la langue, des mœurs ; et que cette époque est celle de Ronsard. N’est-ce pas comme si je disais qu’il y a eu peut-être un temps de traduire Catulle en vers, mais que ce temps est passé ?

Je pousserai la comparaison jusqu’au bout en mettant le lecteur à même de la faire, et plaçant quelques vers de la traduction de M. Ros-