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reproduite, il n’y avait pas un mot de vrai. Les rapports de la France et de l’Angleterre étaient tout différens de ce qu’ils avaient été vers la fin de la restauration ; dans ce temps-là, l’intimité de la première avec la Russie était une menace pour la seconde ; après la révolution de 1830, c’était la Russie qui nous était hostile et l’Angleterre qui s’offrait à notre alliance, et quand la révolution belge eut menacé l’Europe de la guerre générale, l’alliance fut faite. Il faut le dire une fois pour toutes, jamais la France n’a eu à repousser, jamais l’Angleterre n’a fait à la France maîtresse d’Alger de propositions injurieuses, encore moins exigeantes ; les prétendus engagemens personnels du roi Louis-Philippe au sujet de l’Afrique sont un odieux mensonge. Du côté de l’Angleterre, comme du côté de la France, les gouvernemens étaient tacitement d’accord pour ne pas soulever la question algérienne. Dès le 27 novembre 1830, le prince de Talleyrand, ambassadeur à Londres, écrivait au général Sébastiani, ministre des affaires étrangères : « Quant à Alger, j’ai évité d’en parler ; j’aimerais bien que nos journaux en fissent autant. Il est bon qu’on s’accoutume à notre occupation, et le silence en est le meilleur moyen. Je crois que l’opinion a changé sur cette question en Angleterre et que nous n’éprouverons pas d’insurmontables difficultés lorsqu’il s’agira de la traiter. » Pendant plus de quinze mois, le silence diplomatique, au moins le silence officiel, fut complet. « La discussion qui a eu lieu avant-hier aux communes, écrivait M. de Talleyrand, le 9 mars 1832, a reporté l’attention sur Alger ; j’en éprouve quelque regret. Nous devons toujours préférer que notre possession sur la côte d’Afrique reste pour ainsi dire oubliée. » Le général Sébastiani répondait, le 14 : « Je pense comme vous, prince, qu’il faut éviter autant que possible de toucher à aucune des questions qui se rapportent à l’occupation d’Alger par les troupes françaises. Malheureusement, la conduite des agens consulaires de la Grande-Bretagne dans cette partie de l’Afrique est peu compatible avec le système de réserve et de ménagemens dans lequel nous voudrions nous renfermer. Animés à notre égard d’une évidente malveillance qu’ils ne puisent certainement pas dans les instructions du cabinet de Londres, ils semblent se plaire à susciter des embarras à nos généraux ; ils s’opiniâtrent à vouloir donner à leurs attributions une extension qui pouvait se concilier avec le régime et le système de droit public d’un gouvernement mahométan, mais que repoussent nécessairement la forme et les principes de l’administration aujourd’hui établie dans la régence. Lorsque vous en trouverez l’occasion, sans vous exposer à susciter des discussions inopportunes, je vous prie de signaler confidentiellement cet état de choses à l’attention des ministres anglais, qui