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Ainsi se termina, au profit du droit, mais au détriment de l’autorité, une affaire qui laissa dans le cœur du commandant en chef un ressentiment profond contre l’intendant civil. Cependant ils signèrent d’accord certains actes qui exigeaient le concours de l’un et de l’autre, soit pour déférer au conseil d’administration les recours contre les décisions judiciaires, soit pour régler l’état de la population maritime qui, embarquée, était soumise à la police militaire, débarquée, à la police civile, soit encore pour continuer les travaux de la grande place qui, par une application obligée du système dualiste, dut être construite et décorée par les architectes civils sur les plans et tracés du génie militaire. Lorsqu’enfin, après une tension de quatre mois, la corde finit par se rompre, ce fut à propos d’une question bien secondaire, la nomination de l’amine des mzabites, pauvres gens qui, avec les biskris, avaient en quelque sorte le monopole des professions inférieures et des petits métiers. Aucun des deux ne voulant céder à l’autre, le conflit fut porté devant le président du conseil. C’était l’heure malheureuse où, dans Paris ravagé par le choléra, Casimir Perier était en proie au mal impitoyable ; il résistait encore, mais il était perdu. Avec lui, avant lui, disparut le dualisme algérien, que le maréchal Soult n’avait accepté qu’avec peine et seulement à titre d’expérience. Le 16 mai, mourut le grand ministre ; quatre jours plus tôt, le 12, une ordonnance royale avait replacé l’intendant civil sous les ordres du commandant en chef.

Au baron Pichon succéda, dans cette position réduite, un sous-intendant militaire, maître des requêtes au conseil d’état, M. Genty de Bussy. « C’était, a dit l’auteur des Annales algériennes qui l’a bien connu, un homme d’esprit et de savoir-faire, qui sut bientôt se rendre à peu près indépendant du général en chef. Le duc de Rovigo, qui n’avait pu supporter les prétentions légitimes de M. Pichon, se soumit sans peine à l’ascendant de son successeur, et toléra ses nombreuses usurpations. L’on vit bientôt le nom de M. Genty figurer dans les arrêtés à côté de celui du général en chef et sur le pied de l’égalité ; ce qui prouve que si les positions font les hommes, il y a des hommes qui savent faire leur position. »


II

Le duc de Rovigo était arrivé en Afrique bien résolu à reprendre sur les Arabes l’autorité que son prédécesseur avait laissé perdre. L’agha Mahiddine, qui ne se dérangeait pas naguère pour rendre ses devoirs au général Berthezène, fut mandé à Alger avec les caïds et les principaux cheikhs des tribus de la Métidja. Il ne s’en présenta guère qu’une dizaine ; les autres s’excusèrent comme les invités