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résistance des habitans de la Meuse mériterait d’être immortalisée ; » mais le savant critique constate, non sans regret, qu’il n’est fait aucune mention, dans les chroniques du XVe siècle, des opérations dirigées contre Vaucouleurs, et que le premier document authentique qui s’y rapporte est le mandement, en date du 22 juin 1428, par lequel Antoine de Vergy fut chargé de réduire la forteresse dont Robert de Baudricourt était capitaine. Quant à Domremy en particulier, tout ce que l’on savait sur cet obscur village avant les recherches dont on trouvera plus loin le résumé, se réduisait aux retraites des habitans dans l’île de la Meuse et à Neufchâteau consignées au Procès. M. Quicherat n’en attribue pas moins une influence décisive sur la mission de la libératrice d’Orléans aux souffrances dont le malheur des temps la rendit témoin : « Du jour, écrit-il quelque part, où l’ennemi apporta dans la vallée le meurtre et l’incendie, l’inspiration de Jeanne alla s’éclaircissant de tout ce qu’il y avait en elle de pitié et de religion pour le sol natal. Attendrie aux souffrances des hommes par le spectacle de la guerre, confirmée dans la foi qu’une juste cause doit être défendue au prix de tous les sacrifices, elle connut son devoir. »

Sans avoir eu à sa disposition d’autres documens que ceux dont nous devons la publication à l’éditeur des Procès, le dernier et le plus exact des historiens de Jeanne d’Arc est loin d’aboutir aux mêmes conclusions. « Jeanne, dit M. Henri Wallon, parlant des combats d’enfans que se livraient les Français de Domremy et les Lorrains de Maxey attachés au parti bourguignon, Jeanne vit plus d’une fois ceux de Domremy revenir de la bataille le visage meurtri et sanglant. C’était une image de la guerre civile ; mais on n’a pas de preuve qu’elle ait sévi entre les habitans de ces contrées autrement que par ces combats d’enfans. On n’y souffrit pas beaucoup plus de la guerre étrangère. Cette marche de la Lorraine aux frontières d’Allemagne n’était pas le chemin des Anglais. La paix de Troyes les avait établis en Champagne ; mais ils n’en occupaient qu’un petit nombre de points… Cette sanglante guerre paraît s’être réduite, pour les habitans de Domremy, à quelques alertes. Parfois, à l’approche d’une troupe de partisans, on sauvait les bestiaux dans l’île formée devant le village par les deux bras de la Meuse.

Un jour même, tous les habitans s’enfuirent à Neufchâteau. Jeanne y suivit ses parens et demeura quatre ou cinq jours ou même quinze jours avec eux chez une honnête femme nommée la Rousse. Après quoi on revint au village, et rien ne dit que ce fût alors ou en pareille circonstance qu’il ait été brûlé. Voilà tout ce que les recherches les plus habiles et les plus minutieuses ont pu faire découvrir sur la part de Domremy aux malheurs du temps. Assurément, c’est quelque chose, et il ne faut pas tenir pour nulle l’impression