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sous des dehors impérieux, adonné tout à la fois aux pratiques de la dévotion et à l’amour des distractions mondaines, attaché, d’ailleurs, de vieille date au parti d’Orléans et d’Anjou, qui se confondait avec celui du dauphin Charles, le cardinal de Bar manquait de l’énergie nécessaire pour faire face aux graves difficultés que vint lui susciter, au lendemain du meurtre de Montereau, l’alliance intime de Philippe, duc de Bourgogne, avec le roi d’Angleterre Henri V. Comme s’il eût prévu ces difficultés, par un traité conclu à Foug le 20 mars 1417, il avait adopté René d’Anjou, deuxième fils de sa nièce Yolande, reine de Sicile, pour héritier du duché de Bar, et le même jour, il l’avait fiancé à Isabelle, l’aînée des filles et l’héritière présomptive de Charles II, duc de Lorraine ; le 13 août suivant, il avait fait donation et transport à son petit-neveu du duché de Bar ainsi que du marquisat de Pont-à-Mousson. En aucun point du royaume, la nouvelle de la conclusion de ce traité de Foug n’avait dû être accueillie avec plus de joie qu’à Domremy, village qui relevait à la fois du roi de France et du duc de Bar, et dont le seigneur était alors Henri d’Ogéviller, chambellan et maître d’hôtel du duc de Lorraine.

La guerre, dite « des enfans des prêtres, » soutenue par les bourgeois de Toul et Robert de Saarbruck, leur allié, contre Charles II, duc de Lorraine, ainsi désignée parce que la succession des bâtards des prêtres lorrains, résidant à Toul, fut l’origine du conflit, la guerre des « enfans des prêtres » ne semble pas avoir eu de contre-coup dans le pays natal de Jeanne d’Arc ; mais il n’en fut pas ainsi d’une autre guerre qui éclata au sujet du comté de Ligny, situé au cœur même du Barrois, entre l’Anglo-Bourguignon Pierre de Luxembourg, comte de Conversano et de Brienne, et le cardinal Louis de Bar. Le 13 janvier 1420, ce dernier fut sommé par Charler VI de se désister de toute entreprise sur Ligny, assigné en douaire à sa sœur Bonne de Bar, veuve de Valeran de Luxembourg ; et pour échapper aux tracasseries auxquelles il était en butte, il prit le parti d’échanger avec Jean IV de Saarbruck, oncle du damoiseau de Commercy, son évêché de Châlons, théâtre d’une lutte acharnée entre les Anglo-Bourguignons et les partisans du dauphin, contre le diocèse de Verdun, placé en dehors de cette lutte. Il survint alors un incident qui acheva de brouiller le cardinal de Bar avec les chefs du parti anglo-bourguignon. Ce prélat était à peine installé dans sa nouvelle résidence épiscopale de Verdun qu’il y reçut, vers les derniers jours d’avril 1420, une députation composée de quatre-vingts personnes et conduite par Gautier de Bauffremont, seigneur de Ruppes ; cette députation, envoyée par Philippe, duc de Bourgogne, était chargée d’inviter le cardinal, au nom de Henri V, à se rendre à Troyes où l’on se préparait à