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comme chacun sait, alors que Jeannette d’Arc était âgée de treize ans, pendant la saison d’été, par conséquent vers le milieu de 1425.

Tous les détails de ce récit sont également dignes d’attention. Il est à remarquer que le chef de bande nommé Henri d’Orly, dit de Savoie, accusé d’avoir enlevé le bétail de Greux et de Domremy et de l’avoir emmené jusqu’à Dommartin-le-Franc, occupait la forteresse de Doulevant. Dommartin et Doulevant sont aujourd’hui deux localités du département de la Haute-Marne situées à une vingtaine de lieues de Domremy. Nous voyons par cet exemple combien était étendu le cercle où ces partisans exerçaient leurs déprédations.

Quant à cette dame d’Ogéviller, de Greux et de Domremy, parente d’Antoine de Vaudemont, seigneur de Joinville, qui usa de son crédit pour se faire rendre le bétail enlevé, ce ne peut être que Jeanne de Joinville qui avait épousé en premières noces Henri, seigneur d’Ogéviller. Du chef de son père André de Joinville, Jeanne de Joinville était, en effet, cousine du comte de Vaudemont, et elle avait recueilli les seigneuries de Greux et de Domremy dans la succession de sa mère Jeanne de Bourlemont. Jeanne de Joinville avait été donnée en mariage, avant le 24 mars 1415, à l’un des plus puissans seigneurs de Lorraine, Henri d’Ogéviller, alors bailli du Vosge et conseiller de Charles II. Celui-ci, à l’époque de l’enlèvement du bétail de ses hommes, habitait peut-être encore à Domremy, comme son aïeul maternel Jean II de Bourlemont, le château de l’Ile. A la date de la rédaction du testament de Jean II, daté du 3 octobre 1399, ce château était pourvu d’une chapelle, dite chapelle de l’île de Domremy, que desservait avec le titre de chapelain un prêtre nommé Jean, fils de Henri Malebarbe. C’est dans ce château ou maison forte, dont l’un des interrogatoires de Rouen fait mention, que les hommes des Bourlemont et des Joinville, héritiers des Bourlemont, avaient coutume de mettre en sûreté leurs personnes et leurs biens, toutes les fois qu’une attaque soudaine des gens d’armes ennemis ne les prenait pas à l’improviste ; mais il arrivait souvent que le temps leur manquait pour pousser leurs troupeaux dans la forteresse et les soustraire ainsi aux convoitises des partis qui couraient la campagne. Ce fut une surprise de ce genre qui amena les incidens rappelés dans les pages qui précèdent.

La principale, pour ne pas dire l’unique richesse des habitans de Domremy, c’était le bétail que l’on menait paître dans les prairies de la Meuse. La configuration du sol ne permettait de livrer à la culture que quelques champs situés sur la lisière de ces prairies, au bas des pentes de la colline boisée contre laquelle le village est adossé ; aussi, le peu de blé qu’on y récoltait n’aurait pas suffi à la nourriture de la population. La vraie ressource consistait dans l’élève du bétail et le commerce des fourrages. L’engraissage des porcs,