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II

Ces quelques renseignemens donnés sur les habitudes de la population française au point de vue du placement de ses économies, abordons l’examen de la situation des caisses d’épargne, et ne reculons pas devant l’aridité des chiffres si ces chiffres doivent nous apprendre quelque chose. Une dernière observation toutefois. Le document dont nous allons nous servir, qui est le rapport officiel sur les opérations des caisses d’épargne en 1881, ne comprend que les caisses publiques et ouvertes à tous. Mais il existe sur toute l’étendue du territoire un assez grand nombre de caisses privées : ce sont celles ouvertes par beaucoup de chefs d’industrie au profit de leurs ouvriers dont ils reçoivent les économies et auxquels ils servent souvent un intérêt supérieur à celui des caisses publiques. Il est absolument impossible de savoir à quelle somme se montent les économies déposées dans ces caisses, mais ce chiffre doit être encore assez important et il faudrait en tenir compte si l’on cherchait à faire une évaluation approximative de l’épargne française. Cette réserve faite, arrivons aux caisses d’épargne proprement dites, et, cherchons à découvrir, au milieu de nombreux tableaux statistiques, quelques renseignemens sur lu condition et les habitudes de la classe laborieuse en France.

L’institution des caisses d’épargne remonte, en France, à 1819, c’est-à-dire à ce gouvernement bienfaisant de la restauration, qui, ne fût-ce qu’au point de vue financier, a rendu à la France tant de services méconnus. Mais ce n’est guère qu’à partir de 1835 qu’on peut suivre leur histoire, car c’est seulement à partir de cette date que les documens relatifs à leur situation intérieure ont été coordonnés et publiés. En 1835, il y avait, en France, 153 caisses d’épargne comptant 121,527 déposans, auxquels il était dû une somme de 62,185,676 francs. Depuis lors, le nombre des caisses d’épargne, celui des déposans et celui des sommes déposées, n’a pas cessé d’aller en s’accroissant, et cet accroissement n’a subi de temps d’arrêt que sous l’influence de quelque catastrophe publique. Au 31 décembre 1847, le nombre des caisses d’épargne était de 345, celui des déposans de 736,951, et le chiffre des sommes dues de 396,178,888 francs. Après un ralentissement occasionné par la révolution de février, le mouvement ascensionnel a repris, et, au 31 décembre 1869, le nombre des caisses d’épargne s’élevait à 509, celui des déposans à 2,130,768 et le chiffre des sommes dues à 711,174,836 francs. Nouveau ralentissement amené par la guerre, puis nouvelle reprise et plus rapide que jamais. Au 31 décembre 1881, le nombre des caisses d’épargne était de 541 (auxquelles il faut ajouter