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904 succursales), celui des déposans de 4,199,228 et le chiffre des sommes dues de 1,408,903,630 francs, soit, en dix ans, une augmentation de 2 millions dans le nombre des déposans et de 700 millions dans le chiffre des sommes déposées. La crise commerciale et industrielle que nous subissons n’a pas réussi à enrayer ce mouvement. Bien que les tableaux statistiques relatifs aux opérations des caisses d’épargne en 1882 et en 1883 ne soient pas encore publiés, on sait déjà que les opérations ne se sont pas ralenties pendant ces deux dernières années. Au 31 décembre 1883, le nombre des déposans était de 4,535,431 et le chiffre des dépôts de 1,816,088,527 fr. Au 31 décembre dernier, le chiffre des déposans atteignait 5 millions et celui des sommes dues dépassait 2 milliards, somme énorme, si l’on réfléchit à tous les emplois en achats de parcelles de terre, en valeurs ou en dépôts dans des caisses privées que reçoit encore, comme je l’ai déjà dit, l’épargne française à la différence des autres pays. Encore tous ces chiffres sont-ils antérieurs à la mise en vigueur de la loi sur les caisses d’épargne postales, dont le fonctionnement est trop récent pour qu’on puisse bien apprécier l’influence que la création de ces caisses exercera sur le développement de l’épargne. Bien que la loi du 9 avril 1881 ait eu pour résultat l’ouverture de 6,195 nouvelles caisses d’épargne, cependant ces caisses n’ont encore reçu que 137 millions de francs et c’est un chiffre qui peut paraître faible. Mais il faut cependant l’ajouter au chiffre total de l’épargne déposée dans les caisses publiques qui se trouve ainsi atteindre près de 2,200,000,000 de francs. En Angleterre, le nombre des Post Office savinys Banks et des Old savings Banks était, en 1882, de 7,859, le nombre des déposans de 5,964,941, et le chiffre des sommes dues ne dépassait guère deux milliards. Le chiffre de l’épargne française, qui avait été pendant longtemps inférieur à celui de l’épargne anglaise, à cause du beaucoup plus grand nombre des caisses d’épargne, est aujourd’hui, comme on le voit, non seulement égal, mais supérieur.

Cet accroissement ininterrompu de l’épargne est à coup sûr la réponse la plus solide qu’on puisse opposer à ceux qui font de l’état social de la France une peinture par trop sombre. Il est assez difficile de prétendre, en présence de ces chiffres irréfutables, que sous notre régime économique et industriel, la souffrance s’accroît de jour en jour. C’est là, en effet, une assertion à laquelle on peut se laisser entraîner par l’ardeur de la discussion, mais qu’il serait assez malaisé de prouver. Tout au plus pourrait-on soutenir que cet accroissement annuel de l’épargne est plutôt l’indice d’une augmentation de l’aisance que d’une diminution de la misère, ce qui (si singulier que le fait puisse paraître) n’est pas absolument la même chose. Encore faut-il reconnaître que le nombre des individus