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en sociétés reconnues, approuvées, et autorisées. Cette législation est à la veille d’être modifiée ; un nouveau projet de loi adopté par la chambre des députés et fort heureusement modifié par la commission du sénat au rapport de M. Léon Say, étant actuellement en discussion au Luxembourg. Il sera plus intéressant de constater le développement qu’ont pris les sociétés de secours mutuels sous le régime de la législation ancienne. Nous y trouverons encore quelques argumens à opposer à une appréciation trop pessimiste de notre état social et économique. Sans remonter au-delà de 1852, c’est-à-dire de l’année qui a fixé la législation des sociétés de secours mutuels, nous voyons qu’à cette date le nombre des sociétés approuvées ou autorisées était de 2,655, celui de leurs membres honoraires ou participans de 318,256, et leur avoir de 12 millions en chiffres ronds. Depuis cette époque, leurs sociétés de secours mutuels ont été en grandissant, sauf un ralentissement passager dû aux malheurs de la guerre, qui a fait descendre le nombre de leurs membres de 913,633 en 1809 à 791,901 en 1871 et leur avoir de 55 millions à 52. Mais le mouvement ascensionnel n’a pas tardé à reprendre. Au 31 décembre 1882, le nombre des sociétés de secours mutuels était de 7,269, le nombre de leurs membres de 1,180,751, et l’avoir de ces sociétés de 82,811,476 francs. Les chiffres détaillés pour l’année 1883 ne sont pas encore publiés, mais on sait déjà que le nombre des membres de ces sociétés s’est augmenté de 24,000 et leur avoir de 7 millions, ce qui, au commencement de l’année 1884, portait en nombre rond leur personnel à 1,187,000 et leur avoir à 90 millions. Cet accroissement ininterrompu démontre un progrès dans les habitudes de prévoyance des classes laborieuses et aussi un progrès dans leur aisance, puisque l’affiliation à une société de secours mutuels exige un prélèvement régulier sur le salaire annuel. En présence de ces chiffres comme en présence de l’accroissement de l’épargne populaire, il est bien difficile de continuer à soutenir que le paupérisme s’accroît de jour en jour, et s’il ne faut pas se lasser d’émouvoir la compassion publique sur les trop nombreuses misères dont notre temps est affligé, il faut savoir se refuser les argumens tirés de la comparaison avec un passé qui avait aussi les siennes.

Si ces chiffres sont satisfaisans par eux-mêmes, il ne faut cependant pas méconnaître que, sous le rapport du développement de la mutualité, la France est en retard par comparaison avec les autres pays. Il y a déjà longtemps que M. Gladstone évaluait à 30,000 le nombre des friendly societies anglaises et leur avoir à 700 millions de francs. Ces chiffres n’ont fait que s’accroître depuis lors, et ils doivent être plus considérables encore si l’on tient compte de ce lait que les trades unions ont fort heureusement pris en grande partie le