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retraite plus ou moins élevées à partir d’un certain âge. Cela ressort avec évidence des chiffres suivans.

Le fonds de retraites des sociétés de secours mutuels s’élevait au 31 décembre 1882 à 45 millions (chiffres ronds), provenant pour 21 millions de versemens opérés depuis l’origine par les sociétés, et pour le reste de subventions de l’état et d’intérêts capitalisés. Or, pour ne pas remonter au-delà de 1871, les sociétés n’ont versé à la caisse des retraites depuis cette date que 13 millions, tandis que, de l’autre main, elles en recevaient 15 de leurs membres honoraires. Ce sont donc les cotisations des membres honoraires qui ont fourni aux sociétés de secours mutuels l’excédent de recettes avec lequel elles ont pu opérer des versemens à la caisse des retraites, et comme ce sont ces versemens qui ont déterminé les subventions de l’état et produit des capitalisations d’intérêts, on peut dire que le fonds de retraite des sociétés de secours mutuels est dû exclusivement aux membres honoraires. Le rôle de la mutualité a été ici d’éveiller, d’intéresser, de provoquer la libéralité ; mais il ne faut point faire honneur à ce principe de conséquences qui ne sont point en lui dans l’espèce. « Les sociétés de secours mutuels, dit M. Baron, peuvent donner aux classes laborieuses les soins en cas de maladie ou d’infirmité avec l’indemnité nécessaire à la famille ; mais il faut bien se convaincre qu’elles ne peuvent donner que cela. » Il a raison.

La maladie menace tout le monde. Aussi la clientèle des sociétés de secours mutuels comprend-elle des individus de toutes les professions. Il est un autre risque qui est plus spécial aux ouvriers, c’est l’accident. Cependant les sociétés de secours mutuels n’assurent pas contre l’accident : j’entends contre l’incapacité de travail absolue ou relative qui peut en résulter. Aussi l’assurance contre l’accident n’est-elle guère répandue en France, à l’inverse de l’Angleterre, où elle est entrée tout à fait dans les mœurs. Il n’y a que très peu de compagnies d’assurances qui aient ajouté cette branche à leurs opérations, et les assurances qu’elles consentent sont presque toujours des contrats d’assurance collectifs souscrits par des patrons qui veulent être garantis contre les conséquences de leur responsabilité en cas d’accidens survenus à leurs ouvriers. Deux considérations ont jusqu’à présent arrêté bon nombre de compagnies : d’abord la difficulté de donner à ce contrat spécial d’assurance une base scientifique, ensuite les projets de loi en cours de délibération, qui, remaniant les principes de la législation, feraient peser sur le patron la présomption de faute, et modifieraient ainsi la base essentielle des contrats. Quant au contrat d’assurance individuel, il est assez peu répandu ; l’état lui-même, malgré les avantages considérables qu’il offre, ainsi que nous allons le voir, à ceux qui veulent