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forte la somme nécessaire pour attribuer à ces employés une retraite suffisante. Ceux qui versent directement appartiennent ou du moins peuvent appartenir à toutes les classes de la société, le minimum du versement était fixé à 5 francs, le maximum à 4,000 et le maximum de la pension viagère à 1,500 francs. La limitation du versement comme de la pension viagère a eu pour but, dans la pensée des auteurs de la loi, de réserver le bénéfice de cette institution aux gens d’une condition modeste et d’en écarter les capitalistes qui ne viendraient y chercher qu’un mode de placement avantageux. Cependant, c’est précisément le contraire qui est arrivé. Le nombre des versemens par intermédiaires s’élève, depuis l’origine de la caisse (non compris l’année 1882), à 7,715,016 francs et celui des versemens directs à 225,242 francs. Mais, en revanche, le total des sommes versées par intermédiaires ne s’élève qu’à 149,549,231 fr., tandis que le total des sommes versées directement s’élève à 268,410,417. Pour un bien moindre chiffre de versemens le total des sommes versées est beaucoup plus considérable. La moyenne des versemens par intermédiaires est, en effet, de 19 fr. 39, tandis que la moyenne des versemens directs est de 1,191 fr. 65. Que résulte-t-il de ces chiffres ? C’est que la catégorie de ceux qui versent directement se compose presque exclusivement de petits capitalistes, de bourgeois, de petits rentiers qui apportent leurs fonds à la caisse des retraites, attirés par l’appât d’un placement avantageux. En effet, la caisse des retraites n’a pas cessé, depuis son origine, de calculer le taux de capitalisation à 5 pour 100, tandis que l’intérêt de l’argent placé en fonds publics ou en valeurs de tout repos n’atteint pas 4 pour 100. Aussi le chiffre des versemens directs s’est-il élevé par une progression incessante de 8 millions en 1877, à 55 millions on 1881 (les chiffres détaillés de 1882 ne sont pas encore publiés) et cette progression constituait la caisse en perte de 40 millions à la fin de 1882[1]. Mais ce ne sont pas les ouvriers qui ont appris le chemin de la caisse des retraites, ce sont les gens qui, ayant déjà une certaine aisance, se préoccupent de l’accroître en cherchant (ce qui est fort légitime) à s’assurer le bénéfice de combinaisons avantageuses dont le profit ne leur était pas destiné. La catégorie la plus démocratique des participans directs à la caisse de la vieillesse est celle des anciens domestiques, qui y versent parfois d’un coup le montant de leurs économies. Tout le reste constitue une clientèle bourgeoise, ce qui d’ailleurs n’enlève rien à la valeur de l’institution.

S’il fallait chercher les causes de cette abstention de la classe

  1. Un article de la loi de finances de 1882 a ramené, à partir du 1er janvier 1883, l’intérêt à 4 1/2 pour 100, ce qui est déjà un taux élevé, mais cette réduction de l’intérêt a suffi pour arrêter une progression ruineuse pour l’état.