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prévoyance populaire, et il ne faut pas trop s’étonner non plus que cette forme de la prévoyance ne soit pas celle qui agrée le plus au travailleur, malgré les sacrifices que l’état avait l’intention de s’imposer pour lui et qu’il s’impose en réalité au profit d’une foule d’honnêtes petits bourgeois.

Quant aux versemens opérés par intermédiaire, qui, ainsi que je l’ai dit, dépassent depuis l’origine de la caisse 7,700,000 comme nombre et 149 millions comme somme, et qui ont atteint, en 1881, 539,695 comme nombre et 13,017,093 comme somme, il n’est pas possible d’en faire, exclusivement du moins, honneur à la prévoyance populaire. Si l’on excepte, en effet, les versemens opérés par les sociétés de secours mutuels sur lesquels je vais revenir, ces versemens sont la conséquence d’une contrainte, légitime et salutaire, exercée sur leurs employés de tout grade par les sociétés industrielles qui servent d’intermédiaires à ces versemens. Consultés individuellement, tous ces employés préféreraient peut être ne pas subir une retenue sur leurs appointemens ; mais la société intermédiaire leur fait une obligation de cette retenue, et ce qui lui donne ce droit, c’est qu’elle s’impose, de son côté, un sacrifice sensiblement égal à celui qu’elle exige. Nous reviendrons tout à l’heure sur les résultats auxquels on arrive par cette forme de la prévoyance, qu’on pourrait appeler la prévoyance obligatoire. Mais disons d’abord un mot des versemens opérés par les sociétés de secours mutuels.

Comme je l’ai démontré tout à l’heure, si un assez grand nombre de sociétés de secours mutuels (67 pour 100) sont arrivées à posséder un fonds de retraite, c’est grâce aux cotisations de leurs membres honoraires. En bonne justice, on ne saurait donc non plus porter ce résultat à l’actif de la prévoyance ; mais comme c’est ici la prévoyance qui suscite la libéralité, on peut encore lui en faire honneur. A quels résultats prévoyance et libéralité réunies sont-elles arrivées ? Il y a vingt ans, on comptait 1,779 sociétés, possédant un fonds de retraites total de 6,462,028 francs. Il y en a aujourd’hui 2,958, possédant un fonds total de 45,258,629 francs. Le nombre des pensionnaires de ce fonds de retraite était, en 1869, de 2,302 ; il s’élevait, au 31 décembre 1882, à 14,963. Ce sont là d’heureux symptômes d’accroissement dans la prévoyance et le bien-être dont on ne peut que se féliciter. Abandonnons maintenant ces gros chiffres, qui ne nous apprennent rien sur les situations individuelles, et cherchons à nous rendre compte du sort assuré à ces pensionnaires des sociétés de secours mutuels. La moyenne des pensions liquidées en 1882 a été de 72 francs (exactement 71 fr. 94). Mais, pour le coup, cette moyenne ne signifie absolument rien, car il y a trop d’écart entre le chiffre des pensions. Mieux vaut s’attacher au chiffre des pensions elles-mêmes, divisées par catégories.