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tis, il ne vaudrait pas mieux constituer une force coordonnée, modératrice, intervenant avec maturité et pesant de tout son poids dans les délibérations, obligeant le gouvernement à compter avec elle, acceptant au besoin les alliauces qui peuvent servir au bien public ? Il n’y a que quelques jours, M. de Mackau, nommé président de ce qu’on appelle « l’union conservatrice des droites, » prononçait un discours qui était tout entier un programme de modération, désavouant toute pensée « d’opposition systématique, » mettant au-dessus de tout la « défense patriotique, » la paix intérieure et extérieure, les principes sociaux sans lesquels un pays ne peut vivre : où est dans tout cela ce qui peut diviser les opinions modérées qui chercheraient à se rapprocher ? Ce qu’il y a de certain, c’est que là seulement est aujourd’hui la solution, et qu’il n’est que temps d’en finir avec toutes les confusions, de rendre à la France, si on le peut, un gouvernement sérieux fait pour la représenter et pour la conduire dans les crises du monde.

Non, assurément rien n’est clair en France ; rien n’est clair non plus dans bien d’autres pays, dans les affaires de l’Europe, et depuis quelques semaines il y a un peu partout en vérité une sorte d’attente maladive, comme si on était toujours à la veille des plus redoutables événemens. On ne sort pas des surprises, des paniques de bourse, des fausses nouvelles, des agitations d’opinion propagées par le complaisant télégraphe. Quand ce n’est pas de l’Orient, de la Bulgarie que vient la menace de complications prochaines, c’est au centre même de l’Occident que l’orage va éclater. Tantôt, c’est la France qui, au dire, des journaux anglais, conspire contre la paix et se prépare à la guerre de revanche contre l’Allemagne ; tantôt, c’est l’Allemagne qui vient d’adresser ou qui va pour sûr adresser à la France de sérieuses représentations au sujet de ses prétendus armemens. Un jour, c’est le gouvernement français qui accroît nos forces de l’Est et qui fait construire en toute hâte des baraquemens militaires sur notre frontière ; un autre jour, ce sont les Allemands qui augmentent leurs garnisons dans l’Alsace-Lorraine et qui appellent une partie de leurs réserves sous prétexte de les exercer au tir. Les nouvelles se pressent et se croisent sur le fil du télégraphe. Il y a sans doute dans tout cela des fictions, surtout des exagérations mêlées à quelques vérités, et il y aurait certainement de la part de la France quelque puérilité à ignorer que l’Alsace-Lorraine est bien gardée, que des précautions ont été prises depuis quelque temps, comme aussi à n’être point au courant de ce récent appel des réserves que les journaux d’ailleurs n’ont pas manqué d’annoncer et de commenter. S’est-il cependant produit quelque incident nouveau, plus significatif ou plus grave ? Qu’y a-t-il eu de changé depuis quelques jours ? Il y a eu sans doute un changement de quelque importance, non pas dans les relations des deux pays qu’on met si