Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est donc une impression de paix, cela n’est pas douteux. Le discours impérial qui a inauguré, il y a dix jours, le Reichstag récemment élu, ce discours, sans être bien significatif, a lui-même un caractère assez pacifique. Il continuée représenter l’organisation permanente des forces défensives de l’empire par le septennat comme la garantie la plus efficace de la politique pacifique de l’Allemagne. Il assure que cette politique tend toujours à «maintenir la paix avec les autres puissances et particulièrement avec les états voisins.» M. de Bismarck n’a pas cru devoir renouveler ses anciennes déclarations à l’appui du discours impérial, il a gardé le silence; ce qu’il a dit déjà cependant, il le pense vraisemblablement après son succès électoral encore plus qu’avant ce succès, puisqu’il a désormais cette augmentation de puissance militaire par laquelle il se proposait de rendre l’Allemagne inexpugnable. Le chancelier a désavoué avec éclat, il y a deux mois, toute intention d’attaquer la France, — La France, pour sa part, a suffisamment démontré qu’elle n’avait aucune pensée d’agression contre l’Allemagne : c’est assez, si l’on veut, pour sauvegarder la sécurité de l’heure présente, pour atténuer ou détourner le danger d’une crise qui, pendant quelques semaines, a pu paraître assez menaçante. Est-ce à dire qu’on puisse vivre indéfiniment sur la foi de ces garanties ou de ces apparences de garanties? Malheureusement les rapports de la France et de l’Allemagne, si importans qu’ils soient, quelque influence qu’ils puissent avoir, ne sont pas aujourd’hui l’unique élément des affaires de l’Europe. Nous vivons à un moment où toutes les politiques sont en présence, se surveillant avec un soin jaloux, où ce n’est pas seulement sur les Vosges que s’agite la question de la paix, où la guerre peut éclater ailleurs et envelopper bientôt le continent tout entier, en ouvrant la carrière à toute sorte de combinaisons imprévues. C’est ce qui fait la gravité d’une situation où les problèmes périlleux ne font que se déplacer, où la paix reste toujours laborieuse et précaire parce qu’elle dépend des incidens les plus inattendus et des circonstances les plus complexes, des relations de l’Autriche et de la Russie aussi bien que des relations de la France et de l’Allemagne, de ce qui se passe dans l’Occident aussi bien que de ce qui se passe à l’instant même dans cet Orient, éternel champ de bataille de tous les antagonismes.

Est-ce une coïncidence simplement fortuite ? Est-ce l’effet d’instigations étrangères, d’influences invisibles et provocatrices? toujours est-il qu’au moment même où la paix semblait se raffermir dans nos régions occidentales, l’orage a éclaté de nouveau dans les Balkans sous la forme de scènes sanglantes d’insurrection et de guerre civile. Ces scènes qui troublent depuis quelques jours la Bulgarie n’ont rien d’extraordinaire ni de bien imprévu sans doute. Elles naissent d’une situation obscure et anarchique ; elles sont inévitables dans un pays qui,