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abouti! » Voilà une des grandes réformes républicaines! On discute en ce moment même, à perte de vue, sur le système commercial tout entier, à propos d’une loi frappant d’une surtaxe l’entrée des céréales en France. Depuis plus de quinze jours, on a tout dit pour prouver tour à tour que, sans la surtaxe, l’agriculture périt, ou que, si la surtaxe est votée, le peuple va être infailliblement affamé. La mesure n’aura, selon toute apparence, aucun de ces effets : elle ne fera pas refleurir magiquement l’agriculture, dont les souffrances tiennent à bien d’autres causes plus générales, plus profondes, et elle n’affamera pas non plus le peuple; mais, en dehors des théories économiques éternellement livrées à la discussion, sait-on ce qu’avait imaginé, pour accompagner et populariser la mesure, un jeune républicain qui ne passe même pas pour radical? Il proposait avec simplicité d’affecter le produit de la surtaxe exclusivement aux ouvriers agricoles, aux travailleurs de la terre, aux masses rurales. Comment aurait-on fait la distinction? où commence l’ouvrier agricole et à quel signe aurait-on reconnu le travailleur? qui aurait été chargé de la distribution? Ce qu’il y a de plus triste, c’est ce qu’il y a au fond d’une proposition de ce genre, devant laquelle la chambre elle-même a reculé, c’est cette manie de flatter les masses dans leurs cupidités, dans leurs passions pour les capter. — « La terre aux paysans! la mine aux mineurs ! » c’est le dernier mot, il a été dit. On ne voit pas que c’est justement avec ces théories chimériques ou anarchiques qu’on s’expose à détruire l’agriculture aussi bien que l’industrie. Et voilà pourquoi il faut un gouvernement, une politique ramenant notre pays à la vérité et à l’équité, à des idées simples et justes, aux prévoyantes et fécondes réformes profitables aux intérêts publics. C’est pour la France la première condition de sa prospérité intérieure; c’est aussi la condition de son crédit parmi les peuples.

Qu’il soit toujours facile de faire un gouvernement ou de refaire un ministère quand il est tombé, c’est, à la vérité, chose assez douteuse. Les difficultés peuvent varier, elles ne sont pas moins réelles, même dans les pays qui ont, avec les libertés parlementaires les plus étendues, la garantie de la fixité du pouvoir souverain, et l’Italie en fait la première l’expérience. Elle vient de passer un mois entier dans une sorte d’interrègne ministériel, attendant le dénoûment d’une crise qui ne pouvait finir et la constitution ou la reconstitution d’un cabinet qui ne pouvait arriver à se former dans le morcellement et la confusion des partis italiens.

Les négociations n’ont certes pas manqué entre le Quirinal et les principaux chefs parlementaires. Tout a été essayé, les combinaisons se sont succédé en se multipliant. La plus sérieuse paraît avoir été celle qu’a tentée un instant le président du conseil de la veille, M. Depretis, d’accord avec M. Saracco, pour refaire un ministère dans des