Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/893

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
887
ÉTUDES SUR L’HISTOIRE D’ALLEMAGNE.


lui la Germanie dans la clientèle du pontife. Il est plus remarquable encore que la formule du serment des évêques suburbicaires ait été modifiée pour Boniface. Il promet au pape de lui dénoncer « tous ceux qui agissent contrairement aux coutumes anciennes ; » mais voici ce que disait la formule habituelle : « Je promets aussi de ne point consentir à tout ce qui serait fait par qui que ce soit contre l’état et contre notre très pieux empereur : de toutes mes forces, je m’y opposerai, et, de toutes les façons que je pourrai, je le dénoncerai à mon seigneur apostolique. » La différence est grande : en Italie, le pape est obligé de tenir compte de l’empereur : en Germanie, où le prince de la Rome d’autrefois n’a jamais commandé, l’évêque de la Rome chrétienne est empereur, à sa façon. Cette terre nouvelle est sienne ; elle est soumise à son autorité : c’est contre son autorité seule que les méchans peuvent comploter, et c’est à lui qu’il faut déférer les conspirateurs.

Boniface devenait ainsi l’homme lige de la papauté. Il repartit pour la Germanie, emportant avec lui la loi à laquelle il allait soumettre tout le monde, le Codex canonum. En 732, Grégoire III, qui vient de succéder à Grégoire II, le nomme archevêque avec pouvoir d’instituer des évêques de par l’autorité du saint-siége. Cinq ans plus tard, l’archevêque de la Germanie va en cour de Rome rendre compte de sa mission ; le pape le garde une année entière et le renvoie après avoir répondu à toutes ses questions et lui avoir prodigué les conseils et les ordres. Mais voici qu’en 741, Charles Martel, le puissant et peu catholique duc des Francs, étant mort, son fils Carloman, dont l’âme est tout ecclésiastique, prie Boniface de l’aider à réformer l’église d’Austrasie ; vite, le prélat écrit au pape pour lui demander « le jugement et l’ordre du siége apostolique. » Zacharie confie à Boniface « toute la province des Gaules, » et le missionnaire arrivé à Rome, quelques années auparavant, modeste et inconnu, devient un des premiers personnages de la chrétienté ; il est le « légat de l’église universelle. » Enfin le moment est venu où ce voyageur doit s’arrêter, car il a été jusqu’à présent évêque et archevêque sans résidence. D’accord avec les princes francs, le pape lui donne pour résidence Mayence, et il marque les limites de sa province ecclésiastique.

Dans ce cursus honorum parcouru par Boniface, il y a deux périodes distinctes : jusqu’en l’année 741, sa vie se passe en Germanie ; à partir de cette date, en Germanie et en Gaule ; mais dans l’un et dans l’autre pays, une même pensée le conduit : il travaille sans relâche à mettre les églises cisalpines sous l’autorité de l’église d’outre-monts.

Sans doute, il a prêché l’Évangile à des païens, en Frise, où il a