Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/958

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
952
REVUE DES DEUX MONDES.

cussion du « bill de coercition » qui a commencé, qui a été à peine interrompue par de courtes vacances, cette discussion ne fait que raviver et envenimer l’inguérissable plaie. L’agitation grandit dans le parlement et dans la rue, encouragée par l’opposition ardente d’un chef tel que M. Gladstone, qui retrouve tout son feu, toute son éloquence contre la politique de coercition en Irlande. Le ministère a eu beau s’armer d’un nouveau règlement pour vaincre l’obstruction dans la chambre des communes, pour hâter les discussions et arriver au vote sans traîner dans des débats indéfinis, c’est précisément la première application de ce règlement au dépôt du bill de coercition, c’est ce règlement qui est devenu, il y a quelques jours, l’occasion d’un effroyable tumulte, de scènes d’un caractère presque révolutionnaire à Westminster. Cette première lecture passe habituellement sans bruit, ce n’est qu’une simple formalité. Elle a été cette fois plus chaudement disputée par les Irlandais, naturellement, et par M. Gladstone lui-même. Les Irlandais se sont élevés passionnément contre la clôture précipitée du débat, et, à une première épreuve, ils ont eu contre eux une forte majorité, composée des conservateurs et des libéraux dissident. Vainement alors, le ministre leader des communes s’est adressé à M. Gladstone en lui demandant d’exercer son autorité sur ses amis, de ne pas prolonger la résistance : l’ancien premier ministre, qui avait voté avec les Irlandais, s’est énergiquement et absolument refusé à l’intervention modératrice qu’on lui demandait ; il s’est déchaîné contre la pression du gouvernement et du speaker. Il n’a pas seulement refusé d’intervenir : quand le moment du vote définitif est arrivé, M. Gladstone, irrité, a quitté la chambre, suivi de tout son parti, des libéraux et des Irlandais, au milieu des acclamations et des vociférations mêlées dans le tumulte. Cette première lecture, sans avoir rien de décisif, a été déjà une bataille. Du parlement, l’agitation est passée dans la rue, dans les meetings, dans les réunions qui se succèdent, et, hier encore, Londres a été témoin d’une immense manifestation populaire à Hyde-Park contre le « bill de coercition, » contre la politique irlandaise du ministère. Ce n’est peut-être encore qu’un commencement. Malgré tout, le ministère anglais aura le dernier mot, la victoire définitive, c’est vraisemblable, puisqu’il a eu dans ces préliminaires une puissante majorité, puisqu’il a jusqu’ici l’appui de lord Hartington, de M. Chamberlain et de leurs amis. La bataille, cependant, menace d’être chaude à une seconde lecture, et il reste à savoir si les libéraux dissidens, qui se sont faits provisoirement ministériels, se prêteront jusqu’au bout, dans tous les détails, à une véritable révolution du système pénal pour l’Irlande, par exemple à la suppression du jury. C’est sur ce point que le combat sera acharné, que les scissions peuvent éclater. Et puis, quand le bill serait voté dans son intégrité, en sera-t-on beaucoup plus avancé ? Ce ne sont pas les bills de coerci-