Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut pas se débattre indéfiniment? Comment avoir un budget à peu près régulier sans déficit? — C’est bien simple, disent les impétueux financiers de la chambre et la commission qui les représente, c’est l’affaire du gouvernement d’avoir du génie, de présenter un budget, idéal des budgets; mais surtout que le gouvernement ne s’avise pas de mettre dans son budget quelque taxe nouvelle ou quelque emprunt sous prétexte de couvrir le déficit ! La chambre s’est prononcée, c’est entendu, le problème financier doit être résolu par des économies ! — Qu’à cela ne tienne, répond le gouvernement, et M. le ministre des finances, qui n’a pas du tout de génie, qui joue même dans tout cela un rôle passablement ridicule, s’est exécuté en présentant un budget où, à côté de quelques médiocres économies, il a glissé son prétendu impôt sur le revenu et des menaces d’emprunt. Là-dessus le conflit s’anime, la commission se révolte, prétend qu’on se moque d’elle, mande à sa barre M. le ministre des finances et M. le président du conseil lui-même ; le gouvernement proteste qu’il a fait ce qu’il a pu, qu’il est à bout d’imagination, que si l’on a des économies à lui proposer il est prêt à les examiner, qu’il ne tient pas plus qu’il ne faut à ses projets. On s’entend moins que jamais, — Et tout finit par une rupture éclatante, par un ordre du jour qui renverrait tout simplement le budget au gouvernement. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que la commission, avec toutes ses prétentions, ne sait pas ou ne dit pas ce qu’elle veut, ce qu’elle entend par des économies, que le gouvernement paraît tout aussi peu fixé sur ce qu’il veut lui-même ou sur ce qu’on lui demande, et que le parlement, en fin de compte, va avoir à trancher les yeux fermés un conflit aussi bruyant qu’inutile.

Que fera la chambre dans ces conditions 7 c’est certainement assez grave, puisque le vote qui va être demandé au Palais-Bourbon peut décider de la chute du ministère ou de la retraite de la commission du budget ; mais que le ministère tombe ou survive pour quelques semaines encore, qu’on fasse voter une fois de plus par la chambre ces économies mystérieuses dont on parle toujours sans les préciser jamais, il n’en sera ni plus ni moins, on n’en sera pas plus avancé. La vérité est que la question n’est pas exactement posée. Le mal est tout entier, non dans quelques détails partiels et insignifians de budget, mais dans la politique qui a créé la situation extrême où l’on se débat et d’où l’on ne sait plus comment sortir. Le vrai et unique remède est de commencer par s’avouer qu’on s’est trompé, de se décider à aborder cette situation pénible par ses grands côtés, d’en revenir enfin à une politique résolue à rentrer dans les conditions invariables de l’ordre financier, à offrir au pays les garanties d’une administration prévoyante et protectrice. Si on prétend persister dans le système qu’on a suivi jusqu’ici, quelques économies n’y feront rien et ne seront qu’un puéril «grapillage, » sans doute une cause de désordre de plus;